Chronique de Bonnie le chat: épisode 7

Publié le 13 Mars 2015

Photo: Marion Michot

« - ça y est ! Ils l'ont fait... »

C'est la première fois que Clyde se glisse sur mon balcon pour venir gratter à la porte de notre chambre...enfin à celle de la patronne...Là où je passe le plus clair de mon temps à cogiter sur la couette en été ou à réfléchir sur ma condition sous l'oreiller en hiver.

J'ai ouvert toute ébouriffée et un poil de sale plume, mais son œil triste et sa moustache fatiguée m'ont vite fait comprendre que le copain nageait en eaux troubles.

« - Ils se séparent, ils divorcent, ils font les cartons !

- Ben dis donc, tout d'un coup ?...Je veux dire, tout en même temps ? C'est les rois de la gâchette, tes maîtres !

- Oui, enfin, je connais pas bien l'ordre dans lequel les choses vont se faire, mais la fin des hostilités a été déclarée, d'après ce qu'ils disent, mais pas pour fumer le calumet de la paix...Plutôt pour pondre un décret commun sur le partage du territoire et du reste....

- Et ça donne quoi, leur organisation ? Qui reste ? Qui a pioché la mauvaise carte de celui qui « va prendre une chambre d'hôtel quelques semaines le temps de trouver un pied à terre pas cher et bien sous tous rapports » ?

- Les deux

- ?

- Ils ne veulent pas traumatiser les enfants. Ce sont les seuls qui ne vont pas bouger.

- Les parents se relaieront une semaine sur deux dans celui-ci et vont trouver un autre logement avec lequel ils feront la même chose.

Astucieux....Complexe mais astucieux !

- Et les gosses, pas trop bousculés. ?..Remarque que c'est un peu tôt pour le traumatisme. Ils ne doivent pas encore se rendre bien compte...

- Tu rigoles ! Ils sont fous de joie. Ils trouvent l'idée géniale, originale...

« Enfin du mouv' dans ma vie » a hurlé le grand

« Ils vont se lancer dans le concours du meilleur des deux et ça va être tout bénèf pour nous » a prétendu la benjamine.

Quant à la petite, elle a réussi à négocier la récupération de la chambre parentale, plus grande, et qui lui rappelle « de tellement bons souvenirs »

Je te le dis, ils n'ont pas fini de morfler, les adultes. Les trois en face sont très forts...

- Foutue génération...Fichus Humains...Une calculette à la place du cœur !

Et à ce propos, financièrement, ils vont tenir ?...C'est que pas mal de choses vont devoir être multipliées par deux, non ? Ils vont moins rigoler, les mômes quand ils vont devoir commencer à se serrer la ceinture !

- Tu plaisantes ! Ils ont déjà proposé de « faire le sacrifice » de leurs activités pour aider leurs parents et les autres n'y ont vu que du feu.

Pour le reste, tu peux leur faire confiance, ils sauront exploiter à mort leur sentiment de culpabilité au moment voulu, crois-moi.

...Non, là-dedans, un seul risque de morfler...C'est moi !

- Je ne vois pas ce que cette nouvelle vie va changer pour toi.

Tu restes là, et au pire tu risques juste d'avoir un peu plus de caresses que d'habitude, si leur sentiment de culpabilité s'étend à toi.

- Il y a un hic...L'un comme l'autre ont évoqué leur possible solitude dans l'autre appartement et je ne sais plus lequel de ces trois cafards a suggéré qu'ils m'emmènent avec eux dans leur nouveau logis, histoire qu'ils aient une compagnie qui leur rappelle leur ancien foyer...Tu piges ?

- Mais je rêve ! Si leur ancienne vie leur manque à ce point, qu'ils la gardent !

Ah mais ça ne va pas se passer comme ça, fais-moi confiance !

Je vais miauler à la mort toute la journée, je peux devenir infernale, tu sais...

Je vais griffer, vomir sur leur paillasson, uriner sur leur linge, et je vais mettre la patronne dans le coup pour qu'elle me file un coup de main.

Tu peux être sûre qu'ils vont te ramener ici dare- dare...Non mais !

- Je savais que je pouvais compter sur toi...Tu m'aimes donc un peu ?

- Qui parle de sentiments ? C'est juste une question de principe.

Et si on abandonne nos principes, tu peux me dire ce qui nous reste Clyde ?

Tu peux me le dire ?

Clyde ?

Ben...Qu'est-ce que t'as ?

Mais où tu vas ?...Reviens, Clyde ! »