Malimmersion: "Dernier voyage au Mali"

 

Dernier voyage au Mali

 

Avant de quitter ce pays je me devais de retourner dans le désert une dernière fois, pour une escapade cynégétique unique, en toute liberté. Au final, c’est une belle aventure, humaine. Une immersion dans le Mali du grand Nord, des paysages insensés, de ceux qui ne laissent pas indifférents. C’est aussi quelques moments de bonheur partagé avec un ami chasseur et sa petite famille. La mienne est restée à Bamako, Malo est encore trop petit pour ce genre de ballade. Je vous livre un récit brut de décoffrage. Les âmes sensibles jetteront un voile pudique sur les scènes de chasse, il faudra certainement faire le tri.

 

4h30, samedi 18 février 2006

Après une courte nuit agitée, j’embrasse ma femme et part rejoindre Daniel, mon acolyte chasseur, qui habite de l’autre côté du fleuve. Je traverse la ville endormie et profite de l’absence de trafic pour saisir l’humidité du fleuve au passage du pont du roi Fahd. Face à moi les monts Mandingues et la douceur des lumières de la ville. Richard Borhinger a raison, c’est beau une ville la nuit.

 

Malgré l’heure matinale et les mines défaites, l’enthousiasme est là, comme à chaque grand départ. Il nous faudra bien une heure pour finir de charger le pick-up : les précieuses glacières, les plaques de désensablement, les bidons de gasoil, le cric power-lift, les nattes, les sacs d’habits pour l’hôpital de la sœur de Gossi…au bas mot 350 kg de chargement.

Petit déjeuner convivial avant une grosse journée de route. Toute la famille de Daniel est du voyage, Geneviève, sa femme, et ses deux filles, Lydie et Laetitia.

Sortis de Bamako nous empruntons l’axe principal qui scinde le Mali en deux. C’est non sans un petit pincement au cœur que j’engage le Toyota pour la dernière fois sur ce long ruban d’asphalte que je connais si bien.

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Tout le monde dort dans la voiture. Une succession de paysages sahéliens défilent sous nos yeux, tandis qu’une musique traditionnelle, constituée de balafon et de kora, me trotte dans la tête. Nous traversons une forêt classée, puis une plaine latéritique abandonnée aux termitières. A l’approche de Ségou les premiers baobabs apparaissent, pour faire place ensuite aux palmiers roniers dans la région de Bla. Je ne suis pas d’accord avec ceux qui trouvent cette route monotone. Ceux là même qui ne savent pas regarder le groupe de femmes qui pilent le mil à l’ombre d’un grand caïcédrat, le semi remorque hors d’âge surchargé à bloc qui roule en crabe, le type qui porte un bonnet poilu en fourrure synthétique blanche, le gamin qui dort sur la charrette tandis que son âne avance paisiblement sur la piste, la chèvre irrésistiblement attirée par la verdure des feuilles du manguier, le vieux Berliet couvert d’un chargement hétéroclite fait de bidons, de sacs de charbons, de chèvres, de filets à ballons et de grappes de types enturbannés, dangereusement accrochés aux parois vermoulues de la benne, tel un lichen sur une vieille branche de pommier.

 

A chaque passage sur cette route il y a toujours quelquechose pour nous surprendre.

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Il faut sortir de Bamako pour apprécier le Mali, ses grands espaces, la gentillesse de ses habitants de brousse. Je me rends compte à quel point je me suis attaché à cette terre et mesure la difficulté que nous aurons à nous réadapter à la vie en Europe…

De temps en temps un nid de poule sur la chaussée ou un gendarme couché aperçu tardivement me tirent de mes pensées.

Le voyage se déroule sans encombre. Nous nous relayons au volant toutes les deux heures avec Daniel. Pour tuer le temps nous jouons à résoudre des énigmes tordues, peuplées de nains, d’aveugles, de mouettes...

Initialement l’objectif était d’atteindre Douentza à la nuit. Nous sommes en avance et décidons de pousser jusqu’à Hombori. Bien nous prend, car nous profiterons de la lumière rasante du petit soir pour traverser des paysages que je compte parmi les plus beaux du Mali.

 

Un cordon discontinu de falaises ferrugineuses encadre la route. Ces immenses blocs de grès érodés semblent émerger d’un flou artistique fait d’une brume de poussière. Ils contrastent à merveille avec le bleu du ciel parsemé de quelques stratus, la verdure des genêts et le jaune des pailles sèches. La mise en scène est réussie et invite le spectateur à méditer sur les témoins d’une histoire mouvementée, vieille de millions d’années, et de cette lente érosion, inégale, qui par endroit nous offre des arrondis d’une douceur fluviatile tandis qu’à d’autre la roche semble façonnée par le burin d’Hercule.

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Vannés mais ravis par cette fin d’étape, nous entrons dans Hombori à la tombée de la nuit après 942 km de route. M. Koli Sissoko nous reçoit dans son campement avec la gentillesse, la simplicité et l’efficacité qui font la renommée de son établissement.

 

7h00, dimanche 19 février

Après une nuit réparatrice nous déjeunons copieusement dans un cadre étonnant. Face à nous la falaise. Derrière les quelques maisons en banco du grand village d’Hombori, les portes du désert et cette grande dune orange sur laquelle quelques guides vous amènent faire du ski.

 

Avant de repartir nous faisons la connaissance d’une équipe de climatologues de l’IRD (Institut de Recherche et de Développement). Ils étudient le climat dans la région et posent des pluviographes automatiques dans le désert.

Cap sur Gossi. L’étape du jour est une petite promenade de 100 km. Les paysages se font plus arides et la végétation de plus en plus rare. Nous traversons une mare artificielle couleur café au lait, autour de laquelle évolue un bon millier de bêtes à cornes. Au milieu de l’eau, le cimetière d’une forêt engloutie, des troncs secs et tordus aux formes martyrisées, squelettes érigés sous un soleil de plomb.

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Nous y voilà enfin, Gossi, petite ville du Nord fondée il y a peu par des missionnaires protestants norvégiens. Une ville de sable, agréable, quadrillée de rues larges et ombragées d’épineux. C’est cet endroit qu’a choisi la Sœur Anne-Marie pour implanter son hôpital.

 

Rapide installation dans la case de passage de l’hôpital, et nous rendons visite à l’équipe soignante. Une des particularités de l’établissement est qu’il est situé en face d’un bras de la mare et qu’on y accède en pirogue. Les installations en banco sont sommaires mais la salle de soin est équipée de tout le matériel nécessaire. La deuxième particularité réside dans le fait qu’il n’y a pas de chambres. Les malades, en majorité des nomades, arrivent en famille et installent leur tente traditionnelle dans la cour de l’immense concession.

 

Rencontre avec Zado, l’infirmier. Son service exige qu’il ne porte pas le cheich. C’est étonnant de voir un tamacheq tête nue. Il est même chevelu mais non crépu. Ses yeux par contre n’ont pas besoin de cheich pour être mis en valeur. Un regard profond, serein, solide et fier.

 

— Bonjour Zado, comment ça va ?

— ça va, on est là.

 

Je vous laisse méditer cette réponse, aux multiples sens.

Anna est là aussi. Cette jeune septuagénaire suisse à la retraite, remplace le médecin en chef, sœur Anne Marie, partie en Europe afin de récolter des fonds pour l’association qui fait tourner l’hôpital. Très sympa, très calme, comme tout le monde ici. Elle nous fait visiter les locaux et nous raconte son travail en compagnie de son jeune assistant, aide-soignant et traducteur. Par chance El Bakhir est là. Il est infirmier et dirige une des antennes de l’hôpital en brousse, un petit dispensaire à 45 km d’ici. Nous partirons avec lui à la chasse il connaît parfaitement la région et ses habitants. Rendez vous est pris cet après midi pour le départ en brousse.

 

Retour en ville, achat des vivres pour les pisteurs et le campement, le thé, indispensable, le riz, le tabac, le concentré de tomate, le pain traditionnel du Nord. Pour le souvenir une plaque de sel amenée de Taoudéni par une caravane de chameaux après 3 semaines de voyage. Retour à la case de passage, que nous utilisons comme camp de base. Reconditionnement des affaires, des glacières, préparation des affaires de chasse et après un rapide repas on enfile la tenue de chasse. C’est parti.

Par chance, en ville, nous croisons Zacharie avec sa petite famille, c’est le jour du marché. Il est notre 2èmepisteur et nous gagnons un temps précieux. Nous n’avons pas besoin de le chercher. Pendant que nous allons saluer le directeur des Eaux et Forêts, il rassemble ses affaires. Sa femme et son bébé sont aussi du voyage. Nous les ramenons au village à 1h environ d’ici.

Encore une dizaines de km de goudron, puis sur la gauche, c’est la piste. Cap vers le Nord. J’enclenche le 4x4, à fond cette fois ci…, et nous voilà dans le sable à serpenter de dunes en dunes. La ballade est agréable, confortable sur le sable. El Bakhir me guide car de nombreuses pistes secondaires mènent à des petits villages et la piste principale n’est pas toujours lisible.

 

Nous arrivons dans le village de Zacharie. Un attroupement se crée autour de la voiture. Apparemment on n’en a pas vu depuis bien longtemps. Je descends, les enfants amorcent un mouvement de recul. J’ôte mes lunettes de soleil, tout le monde recule de quelques mètres. Je les effraie. Certains, les plus jeunes, n’ont jamais vu d’homme blanc et encore moins des yeux clairs. Drôle d’impression. La femme de Zacharie a des vertiges, elle n’a pas l’habitude de la voiture. Un peu d’eau et tout revient dans l’ordre.

 

Zacharie est prêt. Cap plus au Nord, on s’approche encore plus du Sahara. Daniel est monté dans la benne, je roule un peu plus vite pour me faire plaisir et il se fait un peu secouer, c’est parfois un peu juste pour éviter les branches d’épineux. Méchantes les épines, certaines mesurent jusqu’à 10 cm. Merveilleuse adaptation du monde végétal pour remplacer les feuilles trop dépensières en évaporation. J’en ai enlevé une d’un de mes pneus, je me demande encore comment on n’a pas crevé. Belle invention les tubeless.

 

Une heure de plus et nous quittons la piste pour couper au travers aux alentours d’une mare. Nous naviguons à vue entre les épineux sur une vase sèche et craquelée, je crains pour mes pneus car il y a pas mal de souches. Là, imprimées dans la vase séchée, des traces d’éléphants. Quelques minutes encore et nous arrivons au bord de la mare. Prise de contact avec les occupants des lieux, des pêcheurs bozos. Le GPS indique N 16°13.916’ W 1°14.511’

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C’est là que nous bivouaquerons. La voiture est rapidement déchargée, les filles s’occuperont du reste. Il n’y a pas de temps à perdre la nuit commencera à tomber dans une heure. Les armes sortent des étuis, les cartouches sont prêtes. Zach et deux jeunes du coin nous accompagnent. Ca fait beaucoup de monde pour essayer d’approcher des phacochères.

 

Après quelques minutes de marche autour de la mare dans la verdure des épineux, c’est la 1èrerencontre. Face à nous, à une quarantaine de mètres, dans une coulée, un groupe de 3 phacos trottine vers nous, nez au vent en direction de la mare, la queue relevée. C’est sûr, c’est lui, c’est Poumba. Zach ne les a pas vu et continue de marcher devant moi. Je m’arrête, eux aussi. Je ne peux pas les tirer, Zach est devant moi. Je me décale sur la droite et les saluent de 2 balles flèches au moment où ils démarrent…raté. Je n’en veux presque pas à Zacharie de ne pas les avoir vu à temps, cela aurait été trop facile. Je garderai cette image à jamais comme une des plus belles de mes escapades cynégétiques africaines. Peu importe, quelle émotion, partagée, Daniel aussi est aux anges, quelle image…

 

Un quart d’heure plus tard, re belote, nouvelle rencontre. Un phaco seul marche devant nous à 90 m environ, je fais signe à Daniel d’avancer car il est trop loin pour moi au fusil. Il ne le voit pas tout de suite car un arbuste le gêne. Il n’épaule même pas sa carabine, la bête est de dos. Elle s’arrête un moment et tourne la tête, trop loin. Deux autres phacos ont déguerpi un peu plus loin derrière nous. Seuls les pisteurs les ont vus. Décidément quelle densité !

 

Quelques minutes plus tard nous décidons de nous séparer, nous ne sommes pas assez discrets. Une compagnie de pintades s’envole devant nous, loin. Nous ne sommes pas là pour ça. Mon jeune pisteur m’emmène plus loin. Soudain il a repéré quelquechose. Approche, lente, silencieuse. A une trentaine de mètres les pintades sont là. Il ne parle que le Songhaï. Je lui mime que nous cherchons des phacos. Il a compris. Plus loin j’aperçois un chacal. La nuit commence à tomber. Retour au campement. Daniel n’a rien vu de plus, Zacharie a entendu d’autres phacos, c’est tout. La zone est belle, giboyeuse, nous sommes contents de notre première sortie. Les filles nous attendent de pied ferme :

 

— Où sont les pulls, les polaires, les fringues de rechange ?

 

On a tout simplement oublié le sac à Gossi, à la case de passage … On va se les cailler sérieusement cette nuit en tee-shirt dans les sacs de couchage d’été.

Premier dîner en brousse au coin du feu et pour commencer : Champagne. C’était l’anniversaire de Geneviève hier. Elle est pas belle la vie !

 

Peu après le dîner, répétition générale avant nos premières approches de nuit.

 

— Alors Zacharie, d’abord on te fait signe qu’on allume nos frontales pour éclairer le guidon de nos armes, on se met en position, ensuite tu éclaires la bête.

 

Si mon grand père me voyait, même si ce mode de chasse est autorisé au Mali, tu parles de bracos…

Je suis sceptique, j’ai du mal à viser dans ces conditions. Je repense à la méthode corse que m’a décrit un certain Alexandre, celle de la lampe torche attachée sous les canons du fusil, avec un contacteur au niveau de la crosse…

 

Nous voilà partis pour une nouvelle expérience cynégétique. A deux pas du campement on entend une famille de phacos qui vermille dans la mare. Spitch, Splatch. Ils sont trop occupés pour nous entendre. On s’approche en silence. Ca y est c’est le signal, la torche de Zacharie s’allume sur une grosse bête à 40m. La bête est trop loin pour moi, je suis chargé à chevrotines. Je laisse faire Daniel avec sa carabine. Raté ! Il ne peut pas le doubler, Zacharie éclaire ailleurs. On n’est pas encore au point… On décide de tenter un affût à l’autre bout de la mare. Nous nous allongeons tous les trois sur la vase séchée, à l’écoute de la brousse. Tout est calme. On entend les chauves souris nous frôler dans les airs, les chèvres et les ânes d’un campement de bergers assez proche. Daniel réussit même à s’endormir et je coupe court à un début de ronflement. Un phaco est dans la mare. Splitch, splatch. Tous les sens sont en éveil. Le bruit se fait de plus en plus ténu, puis plus rien. La bête est partie. Dernière approche sur le chemin du retour. Une famille nombreuse dans la mare. Difficile d’approcher silencieusement. Le sol est accidenté et bruyant, puis c’est la boue, profonde. Arrêt. Frontales. En position de tir. La lampe torche éclaire un spécimen d’environ 80kg à 40 m, tranquillement occupé à fouiller la vase. Daniel tire… encore raté. Tout le monde détale dans un vacarme de pataugeoire étonnant. Retour au campement.

 

Quelle journée ! C’est avec grand plaisir que je me glisse enfin dans le sac de couchage. J’aurais bien aimé prendre une douche quand même…Nous avons décidé de voyager léger, nous dormons sur une natte posée à même le sol craquelé. Dur le sol. Le ciel est constellé d’étoiles, pas un nuage à l’horizon. Il est 22h00. Nuit.

 

 

5h00, lundi 20 février

En effet, la nuit a été fraîche, je suis gelé. On ranime le feu à la hâte. Une bouteille d’eau minérale posée sur les cendres nous fournira l’eau chaude pour le Nescafé. Et oui, à condition de tenir le bouchon à l’écart du feu, ça marche, la bouteille ne fond pas, elle n’explose pas non plus.

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Nous formons deux équipes. Daniel avec Oyé (et oui il s’appelle Oyé, c’est swing comme nom ?!) et Zacharie avec moi. Le jour se lève, nous longeons la mare puis nous nous enfonçons dans la brousse. Tout est calme, les pintades et les francolins se réveillent, je les entend rappeler et se débrancher. Pas farouches les francolins. On les approche à quelques mètres. Au loin on entend les ricanements d’un groupe de chacals.

 

Les odeurs de la nuit s’estompent à mesure que l’atmosphère se réchauffe. Seul persiste le parfum léger d’un étrange épineux, recouvert de petites fleurs qui rappellent le mimosa. Le biotope est étonnant. Sur des dizaines d’hectares s’étend toujours cette boue séchée. La mare doit être grande en saison des pluies. Autour, quelques dunettes de sable orange parsemées de hautes herbes sèches. Puis nous traversons une savane à éléphant, vaste étendue recouverte d’acacias aux troncs rouges. Nous relevons des traces de la nuit dans le sable. Un peu plus loin une forte odeur, âcre, attire mon attention. Le pachyderme a uriné là cette nuit, le sable est encore humide. Je marche dans les traces d’un éléphant…ambiance. Plus loin c’est la savane à phacos, plus épaisse, plus hostile, faite de bosquets d’épineux. Nous contournons une autre mare. Un couple de siffleurs (des dendrocygnes veufs pour les puristes) nous passe au dessus de la tête. Presque instantanément un bruissement dans la végatation derrière nous. Un chacal se couline à bon vent au travers des pailles. Je l’aperçois à une cinquantaine de mètres. Il s’arrête pour nous observer… regards…

 

J’aimerais que le temps s’arrête un moment, cet endroit est fascinant.

 

Zacharie lui, est le nez dans l’guidon. Il cavale devant, il me fatigue. Le soleil monte dans le ciel et cela fait plus de 2 heures que nous marchons. Nous allons amorcer notre retour quand au détour d’un bosquet, à découvert dans la plaine, un groupe de phacos rentre paisiblement de la mare pour aller se reposer dans un bosquet. Là encore Zacharie ne les a pas vus. Je l’attrape par l’épaule, le devance. Je n’ai pas beaucoup de temps pour me cacher et commence à approcher rapidement. Je les attend entre deux buissons situés entre eux et nous. Un gros de 80kg s’arrête dans ma petite fenêtre de tir. 50 m, fusil à canon lisse, balle flèche…raté. Le reste de la troupe démarre déboule, je double, je triple dans ma petite fenêtre. Ils filent sur la gauche, je cours tout en rechargeant, je les aperçois enfin, le dernier est blessé, + de 60m, j’essaie de l’immobiliser, 2 balles de plus, derrière…Il est blessé à un postérieur, une balle haute. Je n’ai pas le temps de repérer mes impacts que Zacharie court déjà derrière. Il est excité comme une puce. Au lieu d’attendre sagement que l’hémorragie face effet et de commencer la recherche de la bête une heure après, alors qu’elle s’est remisée dans un bosquet. Il la fait fuir encore plus loin. Nous remontons quand même la piste sur plus d’un kilomètre. Les gouttes de sang finissent par se faire de plus en plus rares. Nous finissons par perdre sa trace, il ne saigne plus. Les voies sont multiples, de vrais autoroutes à phacos. Il faut se rendre à l’évidence, c’est perdu. Je peste après ma maladresse, c’est pire que tout, que de blesser, j’aurais préféré le rater tout bonnement. Je peste aussi après Zacharie. Les chasseurs d’ici ne sont pas de vrais pisteurs comme en Afrique centrale, ils n’ont pas la culture de la chasse.

 

Retour au campement. Ce dernier épisode me gâche un peu cette belle matinée qui commençait, même si je me dis que finalement ce phaco fera sûrement le bonheur des hyènes. Daniel n’a rien vu, mais il a passé un excellent moment.

 

Les filles ont commencé à plier. Il ne nous reste presque plus qu’à charger. Royal cette logistique. Ca y est, le pick-up a été chargé consciencieusement. Les salutations sont faites, des cartouches données au chasseur du coin. Au moment de démarrer, grosse blague, les deux trousseaux de clefs sont restés dans le sac à dos dans la cantine sanglée tout au fond …Fort heureusement cela ne nous retardera que de quelques minutes. Tu peux te moquer El Bakhir, une chance qu’on avait pris deux trousseaux !

 

Nous quittons notre écrin de verdure. Cap plus au Nord encore. Quelques minutes seulement et nous voilà au milieu de l’immensité. Devant nous, 2000 km de Sahara. Plus de piste, on se sent tout petit.

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Les paysages varient énormément. Nous naviguons lentement à la billebaude dans des ergs à la recherche de grandes outardes arabes. En dévalant une dune jaune nous tombons face à une autre, magnifiquement rouge. Nous traversons des oueds depuis longtemps asséchés. Puis apparaissent progressivement des regs écrasés de soleil, accidentés. De temps à autres une forêt comme disent nos guides, où quelques petits kékés et autre épineux s’accrochent vaillamment à un substrat sableux. Quelques herbes sèches témoignent d’une présence d’eau un peu plus tardive qu’aux alentours. D’aucuns diraient que nous évoluons au milieu du néant. Foutaise, il y a une vie ici, riche même. Des oiseaux, des rats palmistes qui cavalent entre deux pierres. Puis c’est un troupeau de chèvres qui émerge de nulle part. Surprenant. D’où viennent-elles ? Où vont elles ?

 

Nous suivons un long ruban de collines. Zacharie m’indique depuis la benne les directions à prendre et plusieurs fois on me surprend machinalement à mettre le clignotant, en plein désert… Zacharie aperçoit un groupe de gazelles. Nous essayons de les approcher au maximum. Elles gagnent les collines. Je dépose Daniel avec sa carabine au sommet de l’une d’elle. Nous ferons le tour en voiture en espérant qu’elles viendront à lui. En contournant ces collines, plusieurs kilomètres, nous apercevons un taureau, noir, massif, la queue ballante, dominant un plateau accidenté. Il semble seul, surgit de nulle part, fier de son territoire. Quel effet ! Plus tard nous comprendrons qu’en contrebas se trouvait tout son troupeau, une petite centaine de bêtes. Mais que broutent ces vaches au milieu des cailloux en pleine chaleur ?

 

Pour ce qui est des gazelles, il paraît qu’elles sont d’ici et qu’elles connaissent bien le coin. Nous ne les avons pas revues.

 

Nous changeons encore de biotope, cette fois ce sont des dunes recouvertes d’herbes sèches, au sol dur. ça et là quelques arbustes qui ressemblent à des genêts. Loin devant, une grande outarde est déjà sur l’aile, tandis qu’ à une vingtaine de mètres un grand mâle prend son envol. Quel oiseau majestueux ! L’amplitude des mouvements est impressionnante, elle va de paire avec l’envergure, plus de 2m, excusez du peu. L’oiseau se repose quelques dunes plus loin. Nous le suivons. Arrivés à bonne distance, environ 40 m, je descends de la voiture, je charge deux petites chevrotines. L’oiseau  commence à s’envoler, Pan ! Il tombe. Je cours vers lui tout en rechargeant. Je me méfie du bec, immobilise la tête, puis chevauche l’énorme bête. Rideau.

 

C’est un magnifique mâle d’un dizaine de kg. Ses pattes, à trois doigts seulement devant et rien derrière, rappelle l’appartenance à la famille des autruches. A l’autopsie, une aile et une patte cassée, une troisième chevrotines dans un flan. Trois plombs sur 27 à 40m, c’est raisonnable pour des chevrotines, mais je n’aime pas ces munitions, ça arrose pas mal quand même. J’ai à peine le temps de savourer l’instant et de nettoyer mon couteau dans le sable, que nous repartons déjà derrière une autre outarde. Cette fois je conduis et c’est Daniel qui descend avec sa 9.3 x 62. Avec une balle blindée ce n’est pas si bête que ça, car la balle traverse et ne fait pas de dégâts. Encore faut il toucher l’oiseau, raté…Un moment nous pensons que l’oiseau est touché mais réflexion faite et après le voir voler pendant longtemps, nous sommes rassurés. Le souffle de la balle RWS de 19g a dû la secouer un peu au décollage, c’est tout. Nous terminons cette matinée de chasse à l’outarde, contents d’en avoir fait voler au moins cinq. Daniel tient absolument à nous emmener voir un puits, près duquel nous pique-niquerons à l’ombre car ça commence à plomber sérieusement. En route, le dilemme se pose. Nous n’avons plus assez de vivres pour ce soir, il nous faudra rentrer au campement de base. Une petite douche et un changement de fringues seraient aussi les bienvenus. Je pue l’outarde. Paradoxalement personne n’a envie de rentrer. Là, Daniel fournit son effort. Il a une idée lumineuse. Nous allons essayer de trouver du riz et d’acheter un chevreau que nous dégusterons au bord du feu à notre campement de la nuit dernière au bord de la mare. Tout le monde est partant. Un saint homme ce Daniel, cela fait des années que je rêve de manger un cabri. En chemin nous croisons quelques vautours affairés après une carcasse d’âne. Rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme. Nous arrivons vers un village abandonné lors de la guerre des touaregs. Là, au milieu de la plaine, un puits de 100 m de profondeur. Impressionnant. Un troupeau de vaches patiente sous un soleil de plomb attendant le chameau qui remontera l’outre en cuir accrochée à la longue corde. Séance photo.

 

 

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Au loin une caravane d’une centaine d’ânes chargés de bidons passe. Petit à petit, surgis de nulle part, des chameaux, des troupeaux de chèvres, de vaches convergent vers le puits. Des tamacheqs nous rendent visite. Ils parlent bien le français, rien à voir avec les bambaras de la région de Bamako. Ils ont fier allure et c’est un plaisir de converser avec eux. El Bakhir en connaît un, qu’il a soigné. Il est connu comme le loup blanc notre infirmier. Nous sommes en plein milieu du désert et nous réussissons à nous procurer 2 kilos de riz, c’est tout simplement surréaliste. Gênés, nous laissons une bonne somme d’argent, quelques cigarettes et une partie de notre repas du midi.

 

On aurait bien fait la sieste mais il faut déjà repartir, il est tard, environ 15 heures. En chemin nous explorerons un autre zone près du campement, fréquentées par les outardes. Les paysages sont encore plus arides que ce matin, d’une platitude étonnante. Toutes les conditions sont réunies pour voir apparaître des mirages. Incroyable. Je comprends le type qui a soif et qui court désespérément vers cette chimère. Nous traversons d’immenses étendues qu’on croirait recouvertes d’asphalte, c’est très roulant. Quel bonheur d’évoluer en toute liberté dans cette immensité, hors piste. Dernière nous, notre unique trace, un schuss de plusieurs kilomètres.

 

En chemin nous rencontrons encore un groupe de gazelles. Une mère et 5 petits. Nous nous approchons pour mieux les voir. Nous n’insisterons pas longtemps. Aucun de ces animaux n’est chassable.

 

Nous arrivons prêts de collines qu’on pourrait prendre pour des terrils. Au pied de ces collines nous grimpons sur une dune orangée qui contraste à merveille. Zacharie a repéré ce qu’on croit être un phacochère. Daniel descend, il ne le voit pas. Sur les indications de Zacharie il tire une forme qui s’avèrera être en fait un morceau de bois. Incompréhension totale. En fait il avait repérer une outarde 20m devant. Elle n’a pas bougé. Moi croyant qu’il s’agit d’un phaco, je charge 3 balles, j’avance et stupéfaction, deux gros oiseaux décollent à une trentaine de mètres. Je les salue de 2 balles, au vol. Si seulement on s’était mieux compris. Daniel faisait mouche à coup sûr, à 20m. 3 autres outardes s’en vont tranquillement à pattes, sur le plateau à une centaine de mètres de nous. Nous décidons de rejoindre les 2 premières. Elles ont rejoint la colline qu’elles commencent à gravir. Daniel descend. 40m, tir facile, raté. Je descends à mon tour , nous escaladons la colline et les apercevons loin en face sur un autre monticule. Encore raté.

 

Nous contournons les collines qui se font plus rocheuses plus ferrugineuses, dignes des falaises du Colorado, en plus petites. Perchés tout en haut, des chacals nous observent trottinant tranquillement puis s’arrêtant toutes oreilles tendues, vers nous. On n’en comptera pas moins d’une vingtaine en tout. Ils ont leur terrier dans la roche en contrebas, terriers qu’ils partagent d’ailleurs avec les phacochères qui viennent s’y reposer pendant les heures les plus chaudes de la journée, loin de tout dérangement. Les chacals du haut de leur promontoire observent la plaine. Ils vont partir en chasse. C’est un endroit très riche pour eux, grâce au bétail notamment. Fin de la chasse à l’outarde, retour à la mare.

Avant d’entrer dans le périmètre inondé en saison des pluies nous apercevons un groupe de pintades. Elles sont arrêtées à une trentaine de mètres bien alignées. Non, pas comme ça. Je décide de les pousser vers Daniel qui n’en a encore jamais chassées. Nous pénétrons dans la végétation, il y a pas mal de chèvres peut être des bergers, c’est dangereux. Les pintades finissent par voler vers Daniel, ….raté. Une dernière s’envole devant lui, encore raté.

 

Retour à la voiture, quelques minutes plus tard nous sommes au campement. Déchargement de la voiture. Les instructions sont données pour le chevreau. El Bakhir s’en occupera pendant que les filles installeront le campement.

Départ pour le phaco, cette fois avec Oyé, Daniel avec Zacharie. Changement de zone. Bel endroit aussi, différent. Nous verrons encore un chacal, un petit lièvre assis sur son cul. Oyé prend des renseignement auprès d’un éleveur qui traverse la plaine. Les phacos sont plus à l’Est vers Daniel. Plus loin un froissement d’épine fera monter mon taux d’adrénaline, c’est tout près. Un chameau entravé, dissimulé dans la végétation abroutis paisiblement un grand épineux… Un autre un peu plus loin, comme pour me narguer, se met à blatérer. Retour au campement. C’est le petit soir, le moment où l’on regroupe les chèvres dans leur enclos d’épines. Quel raffût !

Daniel a rencontré les suidés par 2 fois, mais sans réussite, il aussi entendu une hyène en chaleur. La fatigue se fait sentir. Pause au coin du feu alors qu’un type découpe le chevreau à même le sol. Je regarde El Bakhir préparer le thé. Ce rituel consiste à faire passer le précieux liquide d’un verre à l’autre puis dans la théière et ainsi de suite afin qu’il se refroidisse et se mêle au sucre, indispensable pour édulcorer la forte saveur du vert de chine. D’un naturel réservé El Bakhir se fait maintenant plus bavard. Il m’explique que le berger annonçait un prix exorbitant car il ne voulait pas vendre son chevreau. Alors El Bakhir lui a proposé qu’on s’installe chez lui pour le campement, ce qui signifie dans la tradition du Nord qu’il nous aurait dû l’hospitalité et qu’il aurait dû sacrifié une bête, gratuitement. Il finira donc par accepter de vendre son cabri au prix normal de 15 000 FCFA (23 euros environ).Leurs animaux sont leur seule richesse, leur or. Ils en possèdent des centaines et n’arrivent pas à s’en séparer. Ce phénomène contribue aussi à la désertification, trop de bêtes évoluent dans le Sahel.

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Il me raconte aussi que les malades viennent de très loin  pour se faire soigner à l’hôpital de la sœur Anne Marie. Certains viennent de Tombouctou, de Bourem et même de Kidal à plus de 600 km. La plupart des Touaregs n’ont jamais vu de plan d’eau, de pirogues, c’est un choc quand ils aperçoivent la mare de Gossi. Ils ne connaissent pas le poisson, et les considèrent comme des créatures maléfiques. Ces gens font plusieurs semaines de voyage uniquement grâce à la renommée de l’hôpital, aux malades partis pour morts à travers le désert et revenus guéris, miraculés. Autre monde, démesuré. La volonté, le courage des gens du Nord, la faillite du système de santé public, pourtant le plus subventionné au monde…

 

Je me prête ensuite volontiers au traditionnel moment du cheich. Il y a autant de façons de nouer le cheich que de villages dans le désert. C’est grâce à ça d’ailleurs qu’on reconnaît la provenance des gens. Le cheich trahit aussi le bandit.

 

Un pêcheurs bozo vient nous faire goûter un poisson qu’il vient de faire sécher et fumer. Malgré l’appréhension, c’est bon.

 

De nouveau nous partons à l’approche des phacos avec Oyé. Première approche ratée, tout le monde déguerpit de la mare, nous avons été trahi par un gros, sur notre gauche, en dehors de la mare qui ne faisait pas de bruit. De nouveau séance d’affût, la bête n’est pas très loin, on l’entend bien. Cela fait plus d’une demi heure que nous patientons dans la nuit mais elle reste au même endroit. Nous décidons de l’approcher. Il y en a plusieurs finalement. Ils sont loin ; Il faut nous approcher dans la boue même si ce n’est pas discret. La lumière s’allume sur un gros de 80kg au moins, à une bonne vingtaine de mètres. Je suis prêt, j’attends que Daniel tire, il ne tire pas. Le Phaco passe derrière un buisson et au moment où il reparaît, c’est le déboulé et toute la troupe qui suit. Daniel tire, j’envoie aussi 2 coups de chevrotines sur le gros, sans succès. Un petit dernier est à la traîne quelques mètres derrière. Je l’ajuste,… encore raté. La direction est bonne mais les chevrotines s’écrasent dans la vase 10m devant la bête.

 

Décidément le tir n’est pas au point. Vérification rapide des impacts, pas de blessés. De retour au campement la discussion va bon train sur la balistique et le fait que la chevrotine n’est pas adaptée. Il me semble que je n’arrive pas à accommoder en même temps sur mon guidon, mon grain d’orge et la bête dans un troisième plan.

 

Un froissement d’herbes sèches, la torche d’Oyé s’allume. A 30m un lièvre est arrêté, aux aguets. Je veux en avoir le cœur net, je change de cartouches, j’allume ma frontale, je suis bien concentré. Pan ! A côté. Le lièvre fait demi tour mais reste sur place, il ne comprend pas ce qui lui arrive. Je reprend ma visée. Pan, re manqué. Cette fois ci c’est sûr, ce mode de chasse n’est pas fait pour moi. Je suis incapable de tirer correctement de nuit. Tant mieux après tout.

 

Nous revoilà au campement. Le repas est prêt. Les morceaux de chevreau sont cuits, mélangés au riz. Il est 22h30, Laetitia et Lydie nous ont attendus, elles sont blotties près du feu. Geneviève dort déjà. Daniel essaiera bien de me faire manger avec les doigts dans la gamelle, mais sans succès. Je me lève pour faire un peu de vaisselle et proposer des couverts propres à chacun pour manger dans la gamelle. C’est délicieux. Je commençais à avoir faim et soif.

 

Un petit coup de rouge avec tout ça, c’est le bonheur. Avec Daniel nous faisons le constat d’une journée cynégétique exceptionnelle,  riche en émotions, en modes de chasse et animaux différents. Avant de filer me coucher je fais sécher mon tee-shirt au bord du feu. Cette fois je dors mieux, j’ai légèrement déplacé la natte sur un endroit moins dur. Demain matin je ne retournerai pas au phaco, je ne suis pas bien équipé pour.

 

 

5h30, mardi 21 février,

Je me réveille en même temps que Daniel. On partage un café, dans le froid. Il part avec Zacharie. Je profite du soleil levant pour faire quelques photos de la mare,  à l’endroit même où Daniel a vu les éléphants, au pied du campement, l’année dernière. De retour vers le feu, je discute avec El Bakhir et prend quelques notes. Les enfants ont ouvert les enclos, libérant les chèvres impatientes. Elles déboulent dans la brousse dans un concert de béguètements, bêlements et autre chevrotements. C’est l’heure du réveil pour les filles. Je leur prépare le petit déjeuner et je crois qu’elles apprécient. Nous commençons à plier le campement, tranquillement. Daniel est de retour, il a encore vu des phacos dans la zone où j’étais hier matin. Sans succès.

 

Nous repartons pour un petit tour de chasse à l’outarde histoire que Daniel en accroche une à son tableau. A peine sortis de la verdure. Zacharie aperçoit quatre phacos. Ils avancent paisiblement dans la plaine, rase. Ils se dirigent vers les collines pour se reposer dans un trou. Nous sommes à bon vent. Daniel prend les devants avec sa carabine et avance vers eux d’un pas rapide. Je charge et le rejoins. La petite troupe s’arrête à 90m devant lui, se retourne. Nous sommes éventés, en plein découvert. Daniel continue de marcher. Je ne comprends pas pourquoi il ne tente pas sa chance. Ils détalent, nez au vent, la queue haute. C’est fichu. El Bakhir nous rejoint avec la voiture. Je peste après Daniel, qui ne dit rien. Zach m’indique qu’on va essayer de les contourner. Je n’y crois pas, mais bon, en avant. C’est la course, le sol s’y prête plutôt bien, nous arrivons à les rattraper. Daniel descend de voiture, charge, tire, et le dernier des phacos s’affaisse. Je cours l’achever, tandis que Daniel en tente un 2ème. Nous signalons la zone avec un sac plastique pour retrouver la bête à notre retour et filons vérifier s’il n’en a pas blessé un deuxième. RAS. Retour à la bête. C’est une jeune femelle de 50kg. Daniel s’est bien rattrapé. Séance photo. On sangle le phaco au pare choc arrière de la voiture pour l’amener à l’ombre d’un arbre pour le dépecer, le vider, et le conditionner dans la glacière. Pendant que Daniel et les filles s’en occupent. Je pars faire un petit tour avec Zacharie, histoire de retrouver non loin de là les outardes d’hier. A l’évidence elles ne sont plus là. Je fais un petit tour pour visiter les trous dans les collines. Sans succès. Je ne vois que quelques chacals, dont un petit qui détale à quelques mètres. J’ai laissé mon chapeau dans la voiture et la petite demie heure passée dehors suffit pour que je choppe un bon coup de soleil. Retour vers Daniel au GPS, Zacharie regarde l’appareil d’un air étonné. Il a fini de s’occuper du phaco et je le trouve en train de plumer mon outarde d’hier. Ils est temps de s’en occuper. Elle a commencé à tremper dans le jus de la glacière. Quel gros oiseau ! Je prélève des plumes pour Zoé. Il faut rentrer sur Gossi, les glacières commencent à faiblir. Les hommes aussi.

 

Sur la piste du retour, tout le monde s’endort. Escale dans le village de Zacharie où nous le déposons. Cette fois les enfants sont moins farouches, j’arrive à en photographier quelques uns.

 

 

 

 

 

 

Arrivés à Gossi à la case de passage nous nous dépêchons de transvaser la viande dans la grande glacière de 100 litres remplie de glace. Toute une logistique signée Daniel.

Repas chez la sœur. Ah…la maison de la sœur... Elle ne l’utilise qu’assez peu car quand elle est présente elle vit la plupart du temps dehors, dans la cour ombragée. Un véritable capharnaüm où viennent s’entasser divers objets inutiles ou hors d’usages. Des béquilles amenées par des âmes charitables (pas terrible dans le sable), des bidons, des bouteilles de gaz, un lit médicalisé unijambiste…des chats, la chienne Dado, un peu envahissante. Il y a de la vie dans cette cour, toute une histoire, qu’on peut lire comme dans un grand livre ouvert, comme dans le garage d’un certain René.

 

Déjeuner en plein air et douche, ah la douche…il est 17h00 nous sommes repus, enfin propres et on ferait bien la sieste mais nous devons encore aller chercher une porte en tôle de bidon pliée, pour le dispensaire de brousse d’El Bakhir. En chemin je photographie la mare au coucher du soleil.

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L’eau est plate comme de l’huile. Des enfants avancent sur un fin banc de sable. Ils semblent marcher sur l’eau. Nous chargeons la porte et apercevons une amie de Bamako qui travaille pour Handicap International, elle trimballe une délégation de la région Rhône Alpes, jumelée avec la province du Nord. Elle ne nous a pas vu.

Retour chez la sœur, dîner sympa avec Anna, puis retour à la case de passage. Grosse nuit.

 

 

6h00, mercredi 22 février.

Le chargement du pick-up prendra bien une heure. Déjeuner chez la sœur. Un petit mot pour Anna, un aussi pour Zado, accompagné de cartouches. Puis c’est le retour sur Douentza. Quelques photos des rues de Gossi. 45 km de goudron et El Bakhir nous attend en moto à l’entrée de la piste qui mène à son dispensaire. 5 km de piste agréable, sableuse. Nous déposons la porte. Les salutations sont chaleureuses. J’ai un nouvel ami malien, il s’appelle El Bakhir.

Sur le chemin du retour nous apercevons de très loin le mont Hombori et la main de Fatma.

 

 

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On ne fait que s’arrêter pour prendre des photos. Petit stop à Hombori pour faire le plein de gasoil et pour saluer Koli Sissoko et l’équipe de l’IRD qui est aussi sur le retour.

D’Hombori à Douentza, nous ne perdons pas de temps et préparons notre dernière sortie en brousse digne de ce nom. Nous allons passer un week-end sur une île au milieu du fleuve Sankarani en aval du barrage de Sélingué. Nous ne manquons pas d’inspiration et les menus de brousse seront sympas : phaco au cidre, champagne, poire belle hélène…elle est pas belle la vie !

 

Douentza. C’est là que je laisse Daniel et sa petite famille. Ils remonteront demain sur Tombouctou car les filles ne connaissent encore pas. Au programme, ballade en chameau, thé sur la dune, méchoui, nuit dans le désert. Chasse à la gazelle sur le retour si possible.

Au restaurant nous retrouvons Emmanuelle d’Handicap International qui nous explique qu’elle s’est occupée d’un enfant handicapé abandonné sur la route à Gossi. Triste réalité d’un pays qui ne bénéficie d’aucune structure.

Je repars donc seul jusqu’à Sévaré où je passerai la nuit. J’ai quand même le temps de voir le coucher de soleil sur le port de Mopti, d’acheter des gouttières en terre cuite et une couverture en coton pour ma chérie. Nuit à Sévaré.

 

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7h00, jeudi 23 février.

Le petit dèj avalé, je n’ai pas de chargement à faire, tout est prêt. Je file sur Bamako, j’ai 600 bornes à faire. En chemin je fais le bilan de ces quelques jours passés dans le désert. Le dépaysement était total vous l’aurez compris. Tout le monde est ravi. Je ne sais plus quel jour on est et j’en ai même oublié l’anniversaire de mon frangin, les jeux olympiques, la grippe aviaire, la guerre en Irak. Je ne regrette pas de ne pas avoir suivi les infos du moment. Ces journalistes seraient capables de démoraliser un régiment de légionnaires avec leur politique d’information à la con. On est bien mieux dans le désert.

Notre contrat cynégétique est rempli, j’ai dans mes glacières un exemplaire de chaque espèce recherchée. Au diable les nombreuses occasions ratées. On s’est régalés, on a fabriqué des souvenirs. A quoi bon en avoir plus ? On boufferait de l’outarde et du phaco jusqu’au mois de juin à s’en dégoûter ? Sans compter qu’au niveau glacière cela aurait été juste.

Lorsqu’on met les pieds en Afrique il faut laisser de côté une bonne partie de notre bagage occidental, pour saisir les réalités de la vie ici, pour comprendre les gens. Daniel dit toujours que si on nous laissait seuls dans le désert, nous péririons rapidement, là où le touareg survivrait. Par contre le touareg laissé seul dans le métro survivrait facilement.

Il en va de même avec la chasse. Au début, en bon chasseur occidental j’étais plutôt réticent à l’idée de chasser en voiture. Ici, utilisée à bon escient, c’est un vrai mode de chasse adapté aux grands espaces, car les animaux ont leur chance. On ne peut pas passer partout où ils passent.

On chasse à la billebaude, mais en voiture, les armes vides évidemment, et on charge une fois en dehors du véhicule.

Le voyage retour, même s’il est long, se passe sans encombre. Je croise ou double quelques collègues en vadrouille. Une petite halte à Ségou pour le plein de gasoil, une commande de tissu et un petit repas au bord du fleuve et me voilà déjà à Bamako.

Mes femmes sont de sortie à l’arboretum et je rentre dans une maison vide. J’ai le temps de passer au lavage intensif avant qu’elles n’arrivent. C’est enfin les retrouvailles.

Katy a déjà le regard tourné vers la semaine prochaine. A son tour de partir. Pour elle ce sera  une semaine au Sénégal en thalasso à Saly…à chacun ses petits plaisirs…

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