belleville-sur-rue: Partenariat des écoles de Dagana et Vitruve

 

 

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« J’ai lu quelque part qu’il y avait une association du 20ème qui travaillait avec une école à Dagana, ils ont un super projet avec les gamins d’une école Vitruve qui parrainent des tout petits là-bas*, tu devrais te renseigner, c’est pas loin de chez toi ».

La première fois que j’ai entendu parler de l’association Réunion-Dagana, c’était en 2011, la voix de b’bin était toute excitée, et par contagion, et parce que je trouvais le projet génial, on s’est toutes les deux jetées sur nos ordinateurs pour les contacter.

Après quelques échanges mail et un rendez-vous manqué à Dagana pour cause de déchirure du tendon d’Achille à répétition, grâce à une escale à Paris en 2012 et malgré des acrobaties d’emploi du temps chez les uns et les autres, c’est au cours d’une longue discussion téléphonique dans le jardin de l’hôpital Saint-Louis que j’ai enfin eu le grand plaisir de bombarder de questions Christiane Alinc, la présidente de l’association, qui a eu la grande gentillesse de nous donner de son temps et de sa patience pour dérouler sous nos yeux l’écheveau d’un partenariat ouvert, engagé et solidaire.

Le mieux, c’est encore de la laisser parler :

 

« J’étais instit dans le 20ème à l’école Vitruve. C’était- et c’est encore- un quartier assez mixte, et j’ai toujours travaillé avec l'interculturalité en tête. On a organisé un voyage en Algérie puis l’accueil d'enfants algériens chez nous, il y avait beaucoup d'échanges avec les pays d'immigration des enfants Quand j’ai pris ma retraite, un groupe d'enseignants Freinet allait au Sénégal pour voir ce qui s’y passait. J’ai accroché.

Début 2004, on a préparé le voyage avec les enfants de l'école en question; au retour, on a dû faire un compte rendu avec les classes et les parents. L’idée c’est qu’il fallait une association qui puisse soutenir ce partenariat, avec une école à créer dans le nord du Sénégal. C’est comme ça que ça a commencé.

Réunion-Dagana, c’est une cinquantaine d'adhérents, dont une douzaine d'actifs qui participent régulièrement, et des gens qui donnent un coup de main de temps en temps. Parmi eux, deux retraités, plus disponibles, et des salariés.

On a eu une réunion rapide à l'été 2004 avec les partenaires sénégalais, qui font partie du mouvement Freinet International, et qui étaient venus ici à l'occasion d'une rencontre du mouvement.

Ce qui se passait c’est qu’il y avait dans un des quartiers de Dagana des enfants qui étaient mal ou pas scolarisés. L'Education Nationale sénégalaise était ok pour nommer des enseignants, mais il n'y avait pas de bâtiments. Nous on avait des parents d'élèves architectes. Ça a été dit un peu comme un défi: et si nous on la construisait? Il a fallu rechercher un modèle architectural adapté aux conditions climatiques... Les parents d'élèves architectes ont conçu les plans, fait le suivi construction, et des gens de là-bas ont construit l'école. Il y avait une partie pédagogique aussi, il y a eu un vrai échange entre les écoles.

 

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Photo de groupe à Dagana, "groupe très incomplet" précise Christiane

 

On a mis en place plusieurs projets: des échanges d'écrits avec l'édition de petits bouquins, un sur les ustensiles de cuisine, un autre sur les repas, un sur les arbres, un sur le chemin de l'école... Cette année, ce sera sur la musique.

Entre 2010 et 2011, on a construit une bibliothèque là-bas, un centre de documentation et de ressources pour les enseignants de la région, pour développer un enseignement autour du livre.

Il y a eu aussi deux formations autour du livre pour les enseignants

Développement de 6 coins lecture dans deux classes, à Dakar, Thiès, Louga, avec 50-60 bouquins par classe. C’est un projet qui a été réalisé avec le Conseil Municipal des enfants. Mais l’objectif ce n’est pas d’amener des vieux livres ! On a collecté les vieux bouquins, on les a vendus ici, et on en a acheté des nouveaux là-bas, pour encourager la filière édition en Afrique de l’Ouest. Il y a des principes dans ce partenariat. On les pose en fonction de ce qu’on voit sur le terrain. Les autres bibliothèques, ou les autres associations, récupèrent des livres en France, mais on voit que souvent ça engendre des dépenses pour envoyer le matériel alors que sur place ça ne répond pas aux besoins. Dès le début, on a eu à cœur que les projets soient discutés entre partenaires, pour avoir leur position. Il n’est pas question de faire quelque chose sans les consulter. On a par exemple des demandes de jeunes, collégiens, lycéens, qui ont certains bouquins au programme mais qui ne les trouvent pas sur place. Or il y a trois bibliothèques à Dagana, en fait il y a beaucoup d’argent dépensé pour au final que ça ne serve pas. Il existe d’ailleurs une Charte du don du livre : c’est la Ligue de l’Enseignement qui en est à l’origine. Ils sont une quinzaine d’associations de solidarité internationale à en faire partie, ils ont beaucoup de projets autour du développement, et ils ont organisé une formation entre eux et avec des ONG, comme Bibliothèque Sans Frontières, pour discuter des principes à respecter par rapport au don, notamment celui du livre. Et il y a des choses qui sont faites sur place, mais qui sont peu connues, malheureusement : il y a l’Alliance Internationale des Editeurs Indépendants, qui regroupe des petits éditeurs indépendants d’Afrique de l’Ouest, de Madagascar, du Maghreb… Il y a l’édition des Ruisseaux d’Afrique au Bénin par exemple, qui traite des problèmes des enfants, de l’enseignement des filles, des maladies…

 

Les meilleurs souvenirs… C’est difficile, il y en a beaucoup ! Je dirais la première fois où on est allés au Sénégal avec des enfants. Il fallait montrer que c’était vrai qu’il y avait des partenaires en France, que ce n’était pas simplement nous qui racontions ça. En 2004, on est partis à la Toussaint, trois adultes et trois enfants, pour mesurer le terrain que la municipalité avait mis à disposition pour l’école. Dans la cour, il y avait du sable, des fauteuils en plastique, et 20-25 personnes qui étaient installées là, c’était des parents d’élèves. Il y avait une grande émotion dans cette rencontre. Il y avait des gens qui s’exprimaient en wolof, d’autres en peul, il y avait une double traduction en pulaar et wolof, il y a vraiment eu des parents qui ont tenu à s’exprimer, pour dire que tout ça c’était un échange, que eux ils n’avaient pas grand-chose, mais qu’ils voulaient donner et participer.

Il y a eu aussi en juin 2007, quand des petits enfants sénégalais sont venus à Paris… Jusqu’au dernier moment on a pensé que ça n’allait pas pouvoir se faire, c’était un pari ! A l’aéroport on ne les voyait pas arriver, c’était difficile…

Il y a eu beaucoup de choses très très fortes !

 

Je n’ai pas de mauvais souvenirs, mais il y a eu des moments de grande tension ; pour avoir un peu d’argent, c’est terrible, et de plus en plus. Là on entre dans une nouvelle phase de construction, avec des parents architectes on a une réunion de chantier avec le pilote du chantier, mais les financements arrivent au compte-goutte, il n’y a plus un financement global mais des financements d’une tranche de travail… Et les fondations changent leurs règles de fonctionnement comme ça… C’est le financement le plus difficile. Le reste, c’est de la bonne volonté entre les partenaires, et là c’est important d’avoir des principes.

D’ailleurs, à Dagana il y a Pape. Pape, c’est le partenaire que tout le monde nous envie ! Qui est d’une droiture, et puis qui a une autorité morale sur place, qui fait que tout est facilité pour nous par ce qu’il représente là-bas, et qui a su fédérer autour de lui.

 

Ce partenariat, c’est quelque chose qui fonctionne, mais parfois il faut prendre le temps, il faut se le dire, se mettre à la place des gens. Il faut pouvoir aller là-bas et rester un mois, un mois et demi. Quand on a vécu les coupures, pas d’accès à internet… on comprend, que les choses peuvent mettre du temps, que le mail que vous avez ne va pas revenir le lendemain. Il faut voir les conditions de vie, de travail… On a des collègues- moi je me situe comme une collègue- dont la formation initiale s’est arrêtée au brevet, et on parle ensemble de formation autour du livre, alors que eux en tant qu’adultes n’en ont pas beaucoup.

 

En ce moment c’est ce que je disais, on entre dans une nouvelle phase de construction. On va faire une classe supplémentaire à Dagana, qui correspond à une demande des enseignants : ils accueillent des enfants avec des niveaux très différents, parce qu’ils ont été scolarisés tard, ou il y a eu des accidents scolaires pour cause de maladie, ou parce qu’il y avait des problèmes à la maison. Cette classe, ce sera une classe de rattrapage, pour 60-65 enfants, qui ne peuvent pas avoir de prise en charge pédagogique pour le moment. Il y a un financement de la région Ile de France, mais on cherche un financement pour le compléter.

On travaille aussi sur la maquette du petit bouquin sur la musique.

Et il y a un nouvel échange avec deux classes de l’école Vitruve, avec une classe de 65 enfants à Dakar, sur la musique.

Le Conseil Municipal des enfants du 20ème va aussi créer trois nouveaux coins lecture à Dakar, Wassoul et Thialy »

 

* « Le système d'adoption consiste à faire adopter 5 enfants nouveaux-nés de moins d'un an par un élève de Cours Moyen. Ce dernier tient un cahier de suivi sur lequel sont enregistrés tous les rendez-vous des enfants à suivre qui habitent près du domicile de l'élève. Il rappelle à la maman les rendez-vous pour les vaccinations de son bébé puis vérifie et note les dates des opérations faites et les prochains rendez-vous »


 

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Pour aller plus loin :

 

-          Sur l’association Réunion-Dagana :


Sur la trame du projet: 

http://paris20eme.free.fr/reunion/projet.htm

 

Pour suivre de plus près les actions de Réunion-Dagana, le blog de l’association :

http://dagana2011.blogspot.com/

 

Lire à l’école ici et là-bas : création du centre de formation des enseignants à Dagana :

http://www.pasdeducationpasdavenir.org/2012/lire-a-lecole-ici-et-la-bas-creation-dun-centre-de-formation/

 

Les petits bouquins publiés aux éditions Ici et Là-bas :


Les repas d’ici et là-bas

Les arbres d’ici et là-bas

L’imagier des ustensiles de cuisine d’ici et là-bas

Pour passer commande, c’est tout simple : envoyer un mail à l’association (reunion-dagana@wanadoo.fr), qui expédie les livres à domicile.

 

Le DVD ici et là-bas :


« Ici et là-bas », d’Elise Picon :

« Tourné entre Paris et Dagana, le film "Ici et là-bas" part à la rencontre des acteurs directs du partenariat Vitruve / Dagana (membres de l’association Réunion Dagana, réalisateurs, enfants, professeurs, parents d’élèves, ...), de ses premiers pas à la conception et à la mise en place de la réalisation des lettres filmées, en passant par la diffusion des films à Dagana et à Paris, le tout couvrant plusieurs années de travail sans faille. Il s’agit d’explorer la question du dialogue et de l’échange via la mise en place du projet sur toute sa durée, de ses origines écrites à la création de l’association "Réunion Dagana", en passant par la conception d’une correspondance filmée engageant une structure de financement et une logistique beaucoup plus ambitieuses. »

http://www.lussasdoc.org/film-ici_et_la-bas-1,28954.html

 

 

-          Sur les thématiques soulevées dans l’article :

 

L’école Vitruve, Paris 20ème :

http://www.ecolevitruve.fr/

 

La méthode Freinet :

http://ecole-vivante.com/pedagogie-freinet.html

 

Le Conseil Municipal des Enfants du 20ème (CME) :

http://www.mairie20.paris.fr/mairie20/jsp/site/Portal.jsp?page_id=223

 

La ligue de l’Enseignement :

http://www.laligue.org/

 

Charte du don du livre :

http://portal.unesco.org/pv_obj_cache/pv_obj_id_918CD73D9BBBC7C005BE8D9FC6586B12DEF00100/filename/CHARTE+DU+DON+DE+LIVRES.pdf

 

Bibliothèques Sans Frontières :

http://www.bibliosansfrontieres.org/

 

Alliance Internationale des Editeurs Indépendants :

http://www.alliance-editeurs.org/

 

Edition des Ruisseaux d’Afrique :

http://www.ruisseauxdafrique.com/

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