L'amour d'un fou
Publié le 17 Décembre 2015
Lettre d'amour imaginaire écrite par quelqu'un de différent
et qu'on désigne encore trop souvent comme fou
Mon amer,
La vie va.
Je me suis levé aujourd'hui.
J'ai réussi à enfiler ma paire de chaussons
comme j'ai pu, tout de guingois
et j'ai marché d'un pas hésitant jusqu'au jardin
Saoûl d'oxygène
et d'efforts à essayer de retrouver de vieux codes oubliés.
J'ai cueilli quelques branches mortes, comme s'il s'agissait de fleurs magistrales et odorantes
parce que vois-tu, nos branches mortes sur terre connaissent une fin de vie bien misérable
et il appartient à des spécimens de mon espèce de les reconnaître et de les honorer.
Et puis je suis rentré
aveuglé de lumière
une sourde angoisse m'indiquant que ça suffisait
et que la gourmandise est un vilain rafiot
L'infirmière est passée
Polie et trop prévenante.
Elle a encore insisté pour que je retourne à l'hôpital
Plus pratique
...Moins cher, disaient ses yeux qui sentaient fort l'éther
Moins risqué surtout, racontaient ses longues jambes pressées.
J'ai reçu hier soir un appel de mon père
qui ne me parle plus que de la météo entre deux lourds soupirs.
Nous n'avons jamais été très proches, mais ces dernières semaines
ses silences sont un gouffre où viennent basculer
les reproches
et la mort
Il n'y a plus que toi, mon amer
Les jours d'éclairs de vie, je suis prêt à prendre le premier train et à te rejoindre là-bas, sur le port de Roscoff, dans la maison de notre histoire.
Je me dis qu'un bonheur peut se perdre dans les replis de troubles inavoués...
mais qu'il peut aussi se retrouver dans le grenier à blé de nos instants communs.
Et la fatigue revient
Ton image se grise
Tes cheveux s'époumonent
et ta voix est en feu
Et là je me recouche
et je doute un peu plus
Et j'ai peur
Et j'ai mal
Je n'aurai bientôt plus la force de cracher des crapauds en visant les étoiles
Je ne peux plus déjà tordre le cou au rire et cogner sur les mots.
J'ai si mal à la tête
Sauve-moi