brèves et récits d'ailleurs

Le 28/01/2013: A la rencontre de lieux de vie.

"Un des derniers bouts de campagne de Brest": la ferme de Traon Bihan.

J'ai découvert Trahon Bihan* il y a environ 25 ans, un des derniers bouts de campagne de Brest, que je ne connaissais pas alors, pourtant Brestoise 100 % pur beurre ! Le harsard fera que quelques années plus tard, je rencontre également le fermier de ce lieu-dit, et désormais j'y vis et je suis même devenue fermière !

Ce que j'aime à Traon Bihan, c'est ce privilège d'être dans une des dernières bulles de verdure de la commune. Pourtant entourés par les nombreux quartiers et lotissements brestois, par les zones commerciales et artisanales, le CHU..... cette ultime poche de vert, de calme, de nature, comme si soudain la ville n'existait plus. Seuls les échos de la rocade, les tours, immeubles ou constructions (la grue, notre ennemi n°1) que l'on aperçoit tout de même très bien du fond de certains champs ou encore les reflets de l'éclairage nocturne nous le rappellent.

A "Traon Bihan", on a encore cette chance de vivre la vie de la ferme comme autrefois, de suivre les saisons, de profiter de la richessse de notre environnement protégé, des surprises de dame nature qu'elles soient végétales ou animales : la chouette effraie qui chuinte le soir, le renard qui hante le poulailler, les limaces qui attaquent le jardin partagé, le ruisseau qui déborde...

Etre à la fois habitant d'une grande ville (plus de 140 000 habitants) avec ses réalités urbaines et citadines et, en même temps, vivre une vraie vie de paysans !
La seule crainte et la grande interrogation : arrivera-t-on à survivre à l'urbanisation qui menace fortement Traon Bihan à terme......

* Cliquer sur le nom de la ferme pour accéder au site: http://lafermedetraonbihan.blogs.letelegramme.com/

Valérie.

"La mer, toujours la mer."

Ma plus belle histoire d’amour, c’est vous.

D’aussi loin qu’il m’en souvienne, j’ai toujours vouvoyé l’océan.

Par respect, par crainte aussi et pour dire pudiquement l’immense attirance pour cet indispensable élément de ma vie.

La mer, la vraie, celle des tempêtes et des marées a toujours été dans ma ligne d’horizon. Enfant, de ma chambre, je la voyais et la crête de ses vagues servait de baromètre à ma vie.

Pas une journée sans que j’aille la saluer avec ce regard d’envie, mon vieux chien Cascadeur dans mes bottes. Il a fini par mourir mais ça n’a pas mis un terme à cette histoire d’amour.

Plus tard, où que j’aille, de Brest aux Abers, il fallait qu’elle soit là, dans mon paysage de brume et quand je me suis enfin décidée à m’en éloigner, c’est après avoir trouvé une maison qui l’effleurait du bout de ses fenêtres, sur le port de Roscoff. Une maison refuge, une maison repère, la caution de mes dérives et de mes errements, qui me permettait de l'imaginer dans mes pays enclavés.

Je sais une fois pour toutes que la mer est le grenier à sel de ma vie.

Je suis une piètre nageuse et un non moins piètre marin. Mais qu’importe. Je suis bien dans et sur l’eau et elle le sent.

Une Bretonne.

"Belleville mon amour": le Zorba.

Ca fera un an le week-end prochain que je sers au Zorba, le bar. La comète, c'était son nom dans les années 80, où venaient se poser Redskins et autres anars. Maintenant c'est PMU la journée, noisette, Perrier menthe et conversations sur fond de Maghreb, d''Afrique de l'Ouest jusqu'à la Corse. Je dis la Corse parce que c'est d'où vient le tenancier, José. Deux têtes de moins que moi et des bras de la taille de mes jambes, il a voyagé, bien sûr, mais il sait aussi s'ancrer comme ici, un bar historique du Paris que j'aime. Demandez dans un bar, vous verrez, de Lyon à St Amant Roche Savine, de la Plaine Saint Denis à Nanterre, tout le monde connait le Zorba. "Mais oui ! LE ZORBA !"

Une fois la journée passée, comptez qu'à 18h, tous les bonhommes sont mis dehors. Ménage, musique et néons rouges pour accueillir la clientèle du soir, essentiellement étudiante, embourgeoisée et qui rencontre la fine fleur des vieilles gueules, cassées ou pas, de Belleville. Ca rend le boulot intéressant, je veux dire, différentes classes sociales qui se côtoient et qui s'entendent plus ou moins selon les soirs. Je connais pas le quartier depuis si longtemps que ça, J'y ai habité 3 ans tout au plus. Ca fait poids mouche en comparant à des gens qui y vivent depuis vingt, quarante ans. Mais j'aime ce coin de Paris, ces conversations d'ailleurs, cette Histoire. Faut savoir que depuis peu, Belleville est investie, l'Est de manière générale. Quartier d'aventure, pittoresque, cosmopolitan way et rustique (comme je l'ai lu dans un article un peu merdeux intitulé Paris By Night, et qui reflète bien la considération qu'a le tout Paris de ce quartier). Les choses changent, on dit. Les bourgeois arrivent en masse, investissent les Folies, La Cantine, le Café Chéri. Je les comprends d'un côté. Vivre à l'Ouest, côté XIV, XV et XVIème, c'est un peu le mouroir. On s'y emmerde et la vie y est chère.
Seulement, ceux qui viennent boire un verre et apprécient la vie de Belleville ne sont plus les mêmes lorsqu'ils décident d'y vivre. L'exemple type c'est les gars qui habitent en face de mon ancien chez moi. L'immeuble de la boulangerie la plus fameuse que je connaisse du quartier. Les enfants jouent dans la cour de l'immeuble, comme le faisaient leurs parents. Mais à coups de mains courantes et autres plaintes, les nouveaux arrivants espèrent bien remettre de l'ordre dans cette vie qu'ils s'approprient. Le Zorba souffre des mêmes maux. On se demande souvent avec les copains et les inconnus pourquoi ils sont venus à Belleville si c'est pour y chercher du calme.

Je vais vous dire un truc. Ceux qui conversent sont ceux qui ont du temps, ceux qui laissent des pourboires ? Ceux qui n'ont pas les moyens ! Ceux qui ont une histoire, qui posent des questions et qui partagent leur expérience ? Les mêmes qui n'ont pas les moyens.
Demandez Milou, Momo, Bachir, Farida, Jérôme. Moi, je travaillerais pas là si il n'y avait pas ces gens là. C'est un peu pour ça que je reste, même si je veux pas en faire mon métier. J'ai toujours préféré les gens d’âme aux gendarmes. Je jette pas la pierre à qui que ce soit, je suis plutôt content quand les gens de différents milieux se rencontrent et rigolent. C'est là que je vois si la soirée est réussie, plus que le chiffre dans la caisse. On peut compter sur toutes ces gueules, futées et affutées, des morceaux d'amour ou de colère qui acceptent le premier inconnu venu dans notre coin. On parle musique, politique, on chante, on regarde les filles, les copains proches arrivent, on se connait et se reconnait. On aborde les timides curieux et on écarte les gens un peu trop saouls ou violents, tout en essayant de garder l'équilibre. C'est tout un art, vous savez. On m'avait dit: " Tu verras avec le temps, quand un mec rentre dans le bar, tu dois pouvoir jauger ce qu'il va boire et comment il se sent dans sa tête. ".
S'il faut jamais dire jamais, voilà un bail que j'ai pas eu de problèmes ou de conflits à gérer.

Je vois un peu le Zorba comme un des derniers bastions d'un quartier qui change, parce que pour reprendre les mots d'un copain avec qui je discutais il y a peu: "Il faut pas confondre l'espoir et l'espérance. On peut être pessimiste et avoir de l'espoir. Parce que même en étant en train de perdre la bataille, on sait que sous 30m² de bitume, sans trop savoir comment ni pourquoi, il y aura toujours une fleur qui trouvera son chemin pour pousser. Et que face aux à-quoi-bonistes, aux sophistes, le plus important c'est de prendre position, et faire en sorte que la fleur continue de pousser contre vents et marées".

Ah Belleville, mon amour, ils peuvent empêcher les fleurs de pousser, mais ils n'empêcheront jamais le printemps d'arriver.

François, dit Francis.

Tanger: "la perle du Détroit"

Tanger est une ville qui attire, une ville qui change, qui bouge, une ville où on mange… et où certains finissent mangés.
Au cœur de Tanger, il y à l’ancienne Médina. Le lieu de tous les sens : les épices vous montent au nez, les tissus colorés vous éblouissent, les gâteaux traditionnels vous font venir l’eau à la bouche… vous avez envie de tout toucher et savourer.
Et au centre de ce cœur qui bat sans cesse se trouve un genre de phare perché sur la frontière, à califourchon sur les remparts : dar dialna, notre maison. Y parvenir et y rester ne fut pas de tout repos, mais la magie de l’endroit en vaut la chand’aile !

Pur mélange de tradition marocaine et d’aménagement moderne, ce nid douillet, spacieux, aéré et coloré, est tout à la fois antre protecteur dans lequel méditer de nouv’ailes œuvres, inspirées des nombreux stimuli extérieurs, et base d’observation et d’écoute de l’incessante vie alentour :
sorties d’usine de la zone franche (défilé irisé de djellabas), travaux du port (c’est fou comme l’homme peut faire reculer la mer !), oiseaux migrateurs fendant le ciel en tous sens, courses effrénées de certains véhicules prenant la corniche pour un circuit automobile à 3 heures du matin, distribution des containers aux éboueurs nettoyant la ville de nuit, bateaux en tous genres (militaires, de croisière et de pêche), appels à la prière qui tournent et se font écho, caravanes de touristes fraîchement débarqués d’Espagne et remontant la rue du Portugal en file indienne, irruption des véhicules klaxonnant les jours de marché (« Zid, zid zid ! » encouragent les gardiens d’autos en charge du stationnement), incessante course du soleil et de la lune qui plongent dans la mer et ressortent en souriant, défilé des scouts et scoutesses (poussant la chansonnette et décapant le derbouka), débats d’une terrasse à l’autre…
Du haut de notre septième ciel, à 360 degrés à la ronde, nous admirons Mosquées, Eglises et cimetière juif, guettons les arcs-en-ciel sur la Kasbah, surveillons le détroit de Gibraltar, filons le dernier reflet du soleil couchant sur les immeubles espagnols à 13 km sur l’autre rive en même temps que sur les immondes buildings de la Baie de Tanger.
Ici, c’est un éternel renouv’aile-ment : la lumière infiniment vive, les nuages évolutifs, les cieux de toutes couleurs, la mer changeant au gré des courants… De quoi contempler à foison, réfléchir et se nourrir profondément.
Dès qu’on sort du nid on se frotte à la vie orientale : voisinage chaleureux, bruyants palabres, guirlandes d’enfants jouant aux billes ou au foot, moutons ou chèvres bientôt croqués mais pour le moment bien vivants, dealers aimables et défoncés, mariée faisant le tour du quartier sur la mule, suivie par famille et amis riants et évoluant au son des instruments déchaînés…. dans des ruelles où par moments on touche les deux flancs rien qu’en levant les coudes.
Parfois on a peur aussi, perchées dans notre phare, quand la période est à la tempête : on craint de se faire ratatiner menu menu par le vent ultra violent (si fameux chergui) et les torrents d’eau que le ciel ne se lasse pas de lâcher sur nous. Mais non, on est toujours envie !
Y’a pas d’doute, nous sommes tombées sur la crème de la crème de la Perle du Détroit, merci Sainte Rita !

Delphine et Zoé

"Ma Puisaye natale": le chêne Léon.

Tout près du village, se dressait majestueux, le grand chêne. Son tronc imposant offrait aux mains qui le caressaient, une écorce dure et rugueuse à souhait. Ses branches massives et tortueuses tutoyaient la canopée.

Avec les années et les intempéries il avait perdu quelques branches, arrachées par le vent. Des gelures le fissuraient profondément. Il n’en demeurait pas moins le grand chêne, connu et apprécié de tous.

Solidement implanté dans la glaise, il remplissait nos vies d’une infinie douceur. En toute saison il était apprécié. Manne nourricière pour les palombes d’octobre, coupe vent pour le lièvre, havre de paix pour les tourtereaux, ombre généreuse pour les randonneurs d’été.

Il en avait entendu des serments, des complaintes, des cris… Il avait contribué à faire éclore de belles histoires, soigné des âmes blessées. On dit même qu’à l’aube du XXème siècle, un vieux loup était venu le trouver pour s’y blottir et rendre son dernier souffle.

Un beau jour, les bûcherons du village, non sans une certaine émotion, vinrent l’abattre. Dans un fracas de branches rompues, le grand chêne s’était couché sur le tapis de feuilles. Un long silence s’était installé. Les oiseaux avaient mis du temps avant de se remettre à chanter, désorientés par le vide.

Puis la symphonie de la forêt qui pousse reprit son cours. Au beau milieu du tapis de jeunes chênes couvés par le vieux, quelques arbrisseaux un peu plus drus que les autres, ne tardèrent pas à se dresser, conquérants, vers le ciel.

Samuel

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Le 21/02/2013: Un jour un lieu.

Fait divers à Traon-Bihan:

Je dois vous rapporter un "fait divers" récent à la Ferme de Traon Bihan.

Gros coup de chance, il est arrivé hier, samedi 16 février 2013. C'est un sacré fait divers, je dirais même plus précisément, c'est un FAIT D'HIVER !! On l'attendait, depuis tellement longtemps, qu'il est véritablement devenu un "fait divers".

Hier, il n'y a pas eu une seule goutte de pluie de la journée, NON, pas une seule goutte ! Banal en soit, et pourtant, pour nous, c'est un vrai fait divers !

Parce que cela faisait des jours et des jours, des semaines et des semaines et même des mois et des mois, qu'on l'attendait cette journée. D'ailleurs, on l'attendait même plus, on n'y croyait plus du tout....

Vous rendez vous compte qu'ici à Brest, il n'y avait pas eu un seul jour sans pluie depuis le 15 octobre dernier, soit 4 mois, 4 longs et interminables mois. Certains parlent même de 7 mois..... une seule certitude, depuis le 9 avril 2012, on enchaîne dépressions sur dépressions, et même quand un anticyclone daigne s'approcher de l'Ouest et de la côte Atlantique, il fait GRIS, il crachine, on appelle ça le phénomène océanique !

On a eu le droit à tout le crachin, la bruine, les averses, les grosses averses, les trombes d'eau, la pluie incessante pendant 3 jours non stop, la grêle, les giboulées, on a tout essayé dans la gamme "humide" !

Alors oui vraiment, après tant de désespoir, d'incertitudes, de doutes et d'inquiétudes, oui, une journée comme hier est un vrai fait divers !!!!

Je dirais même plus, c'est comme la fée d'hiver, comme si enfin notre voeu s'était exaucé, celui de revoir le SOLEIL et revoir enfin la LUMIERE !

Enfin à Traon Bihan, on va revivre et souffler et pouvoir vous raconter tout plein d'autres faits divers bien plus pimentés !

Valérie

Belleville, un jour ordinaire au Zorba.

Le Zorba est un lieu de rencontres, ça, c'est déjà dit. Mais des exemples concrets, c'est bien aussi...

La soirée dernière passée là-bas a donné lieu à une jolie rencontre, qu'une caméra mobile et un budget de trente euros auraient permis de vous montrer pour un effet garanti!
Si je vous dis que deux personnes se sont approchées l'après midi en ayant simplement pris la même boisson, sûr que vous me croyez. Mais le voir c'est beau. Beau à tel point qu'on leur a payé une tournée à eux deux: Tariquet et demi Stella.
On les a retrouvés le soir, emberlificotés l'un dans l'autre, le regard fiévreux et le rire adolescent.

C'était chouette, vous savez. Oui, les gens se rencontrent, s'aiment et s'animent, et ceux qui ont la chance d'être dans la nébuleuse de leur rencontre ne peuvent que s'enrichir de cet amour incandescent et immatériel. Ils reviendront, ils ont dit.

Parce qu'ils aiment Mingus, le jazz hot et les sourires de ceux qui comprennent.

François dit Francis

La BIP

Chouette c’est la BIP ! C’est ce qu’on entend actuellement quand, avec mon acolyte, collègue instit et néanmoins ami, on frappe à la porte des classes.

La BIP (Brigade d’Intervention Poétique) de Chalon sur Saône se déplace de classe en classe pour semer quelques graines de poésies. Nous offrons un texte de notre choix.

Nous intervenons seul ou à deux, à n’importe quel moment, sans prévenir, une fois par semaine, on frappe on crie : « BIP ! ». Nous interrompons la séance de l’enseignant pour quelques minutes seulement, le temps d’une lecture, d’une chanson, d’un sketch. En partant, on laisse le texte.

Les maîtres ou maîtresses s’inscrivent en début d’année et choisissent un thème par période.

En ce moment pour les maternelles le thème est « monde lointain », pour les plus grands c’est « Théâtre ».

Donc quand on frappe à la porte en ce moment chez les grands on frappe les 12 coups, et la parenthèse s’ouvre… petite saynète de quelques minutes sur un ton humoristique. Les inspirations sont diverses et variées, on a ratissé large : mime, création originale, grand classique, les Deschiens, Smaïn-Boujenah-Bedos…

Pour les maternelles on avons lu Jules Supervielle, René de Obaldia, mais aussi chanté Dick Annegarn, Philippe Katerine …

C’est du boulot, mais quel plaisir ! Et dire qu’on me paye pour faire ça !

Un site Internet existe, on y trouve l’actualité de la BIP, il regroupe les textes bipés (si si, ça se conjugue…) et ceux que nous offrent à leur tour les enfants, c’est la BIP « PING PONG » ; A la fin de notre prestation on dit : « Ping ! », si un ou des enfants nous répondent : « Pong ! » cela signifie qu’ils ont un texte à nous offrir. Si la prestation est correcte nous collons un autocollant « BIP certifié » sur leur texte, qui les autorise à le biper dans d’autres classes.

Plus d’infos sur https://sites.google.com/site/bipchalon/

Pour les intéressés, sachez que la Brigade poétique est née au 16ème siècle, plus connue sous le nom de « pléiade » et fondée par Pierre de Ronsard, ses objectifs étaient de développer l’art poétique et de défendre la langue française. En 1998, les B.I.P voient le jour dans le cadre du festival des Langagières à Reims. En 2002, Les animateurs Zep décident de créer une B.I.P sur la ZEP de Chalon II.

Nos Objectifs sont:

- d'ouvrir une parenthèse dans le quotidien (par l’effet de surprise) afin de donner aux élèves le plaisir d’écouter des textes poétiques.

- de donner l’envie aux élèves de dire, de lire et d’écrire des textes poétiques.

- de créer des échanges entre élèves, entre classes, entre écoles et notamment en utilisant l’ordinateur et le courrier électronique.

- de développer des compétences dans la maîtrise de la langue.

- et d'enrichir l'univers culturel d'une classe, d'un élève.

Pour chaque période, nous proposons une situation permettant aux élèves d’être en production poétique (textes ou autres). La transversalité de la poésie trouve là toute sa place.

Samuel

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Le 28/03/2013: La vie ici et ailleurs.

Au Zorba on a parfois des drôles d'oiseaux qui viennent trouver refuge ou bien pousser l'hospitalité à son maximum.

L'un de ceux là, c'était Fernando venu avec son ami.

Ils portaient tous deux des chapeaux de cow boy, et faisaient des bruits de canards avec leur bouche.

L'ami ne disait mot. Fernando, lui, était un vrai moulin à paroles. On ne l'arrêtait pas. Il parlait de sa Claudette, de mai 68 dans la rue du Faubourg du Temple, et d'être libertaire en ces temps difficiles.

Finalement, il avait pris plus de double pastis que ne pouvait en supporter son portefeuille.

Alors juré, il connait notre "papa", il repasse demain et il règle. Sinon, il a des dollars ! Ou des roubles !

Mais non Fernando, te fous pas de nous, on lui a dit. Repasse demain, en sachant bien qu'il ne repasserait pas. Ce qui n'a pas manqué.

Il y a des vautours dans les oiseaux et des oiseaux dans les vautours.

Qu'on ne s'énerve pas s'il y a des briscards pour nous avoir.

J'espère bien moi aussi troquer un peu de rêve contre un double pastis quand la machine à broyer nos vies m'aura mis à bas !

Francis

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Bocage et paysages

Un après midi de mars, le soleil joue à cache-cache avec les nuages. On hésite à se dévêtir car la bise nous salue par moment d’un courant d’air glacial. On ne sait si le printemps pointe le bout de son nez où si l’hiver nous nargue encore.

Un ruban d’écoliers, épinglé de quelques silhouettes plus imposantes, traverse la plaine en devisant gaiement. Bien que botté de caoutchouc, le pas des CM1-CM2 est vif et rapide.

Ils sont attendus par une poignée de chasseurs de l’association

«la Diane de Gergy » pour une opération "Bocage et Paysages".

L’idée est de réhabiliter l’ancienne décharge. Il s’agit de planter un bois de 700 m² à l'aide de 150 arbres sur ce terrain communal d'environ 3000 m2.

En présence du maire, les 24 élèves écoutent attentivement les explications du pépiniériste. Ils apprennent à reconnaître les plants de pommier, de merisier, d’érable sycomore, frêne… et l’intérêt de chaque essence pour la faune : le marronnier pour les lièvres, le sureau pour les oiseaux… En tout une dizaine d'essences locales sont utilisées. Enfin après les dernières recommandations pour préserver le pivot et les racines, les enfants sont invités à inscrire leur prénom sur une étiquette de pépiniériste qui viendra habiller l’arbre qu’ils ont choisi de parrainer. Secondés par les adultes, des petits groupes s’activent alors avec pelles ou bêches pour mettre en terre les plants forestiers qui apporteront couvert et nourriture à la faune sauvage. Même muni d’un plan détaillé qui mentionne les allées de trous pré creusés, il n’est pas toujours facile de retrouver le bon pour planter son arbre. Malgré cela les arbres sont vite plantés et les étiquettes ne tardent pas à flotter au vent comme autant de fiers étendards tournés vers l’avenir.

Un petit goûter est enfin le bienvenu, l’occasion de sensibiliser les enfants sur l’avenir de leur arbre, sur la responsabilité qu’ils ont envers leur « double végétal » et plus encore envers la Terre en général. Un proverbe péruvien résume très bien ceci : la terre n’est pas un don de nos parents, ce sont nos enfants qui nous la prêtent.

Rendez-vous est pris au printemps, peut être en vélo, pour revoir les arbres en fleur et apposer des pancartes pyrogravées pour remplacer les étiquettes.

Puis c’est déjà l’heure de rentrer à l’école. Mus par la satisfaction du travail bien accompli, le pas du retour est encore vif et rapide.

S. Bourguignon

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Plus que 2...

Ce début d'année 2013 à la Ferme de Traon Bihan est sous l'emprise MASCULINE !!!

Alors qu'on attend des femelles avec impatience pour assurer le renouvellement du troupeau de vaches laitières et permettre à nos petits maternels d'une des écoles brestoises avec qui nous correspondons cette année scolaire de devenir parrains, les naissances de veaux s'enchaînent et se ressemblent : que des GARCONS !!!

Plus que 2 et on pourra monter une équipe de foot !!! En à peine 2 mois, 9 mâles sur 10 naissances, dont 2 paires de jumeaux (ce qui n'est pas exceptionnel mais tout de même pas très fréquent).

Une belle série masculine, on va finir par se demander si les vaches n'ont pas abusé de la salière, ne dit-on pas qu'il faut manger salé pour faire des garçons !!!

Prochaine naissance prévue la semaine prochaine, la série va-t-elle enfin s'arrêter ????

Bon, garçon ou fille, ils ne sont pas beaux nos petits veaux croisés "jersiais" avec leurs magnifiques yeux de biche, regardez cette belle paire de veaux garçons...

Valérie


*** A suivre... ***

P.S: Vous souvenez-vous de Delphine et Zoé, qui nous avaient joliment présenté et raconté


Tanger il y a de cela quelques semaines? Delphine comptait bien participer à la rubrique de cette semaine, mais c'est peu dire qu'elle est complètement débordée en ce moment! Car une série de projets artistiques vient de se concrétiser, alors qu'elle dessinait et photographiait jusqu'ici pour son seul plaisir... Cela a commencé par un concours de photos pour un magazine, puis c'est un hôtel de Tanger qui lui en a commandé une série pour la décoration de son intérieur. A côté de la photographie, Delphine dessine et peint, et ça a été au tour de la galerie Conil, au Petit Socco, de lui proposer d'exposer ses aquarelles. Enfin, cerise sur le gâteau et non des moindres, l'exposition "De toutes les couleurs" organisée avec la galerie "Volubilis" de la Kasbah de Tanger, à nouveau pour ses photos. Les tangerois se sont ainsi vu invités au vernissage le 29 mars en ces termes:



Pour la toute 1ère fois,
je révèle mes photos, pour l'exposition "De toutes les couleurs !"
80 images, noir & blanc, sépia & multicolores,
montrées en toute simplicité.
Faites-moi 1 fleur,
venez partager ce moment printanier;
A vos voisins vous le direz et vos amis vous emmènerez...
Dieu vous l'rendra, et moi j'en se
rai enchantée!

Heureuse mais fatiguée, elle nous revient vite avec des nouvelles fraîches, promis!

D'ici là, toute l'équipe de Belleville-sur-cour lui souhaite tout le succès qu'elle mérite!

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Le 18/04/2013: La Fin.

23h. Tout le monde est là.

C'est pire.

Plus que quatre heures pour dire aux copains des "Beignes" que je trouve leur musique énergisante; à Poline que le son de sa trompette est merveille; à Stéphanie que, quand même, cette conférence concert sur l'éloge de la fuite, c'était quelque chose; à Romain que le Zorba a permis une sacrée rencontre, au patron que c'est sûr, je vais le rembourser de son prêt à taux zéro pour toutes les prunes que j'ai prises en venant bosser ici...ou ailleurs; aux copains de "Faust", tous là ce soir, que jouer avec eux a été magique...

Plus que quatre heures pour leur dire que ce soir, c'est baisser de rideau sur le Zorba, Belleville et Paris... Je n'aurais jamais le temps.

... Tournée générale!!!

Francis

Cette fois c'était bon. Les pleins étaient faits, le zinc brillait qu'on mangerait dessus, et on avait éteint nos clopiots pour bien fermer les portes et les frigos. Les chaises étaient descendues, les fûts changés et la serpillère passée. On causait de la continuation qui allait s'écrire en buvant un verre floc, un mélange de vin cuit et d'armagnac.
C'est en éteignant les lumières que tout s'est figé, les premiers mois, le soleil, les expériences, les emmerdes et les belles choses...
On a baissé le rideau, j'ai donné ma clef au copain, et j'ai tourné les talons sans me retourner.
La rue du Faubourg du Temple était un quai de gare sur lequel je marchais indéfiniment, en attendant le prochain train avec impatience.
Et ça, vous pouvez compter dessus !

Francis

Je m'assois sur les marches de l'entrée, fourbu d'une journée à trier, ranger, emballer... Les cantines sont enfin prêtes. Le déménageur passera les chercher en fin d'après midi.
Mes yeux s’attardent sur le jardin. Je constate qu'il est des repères qui ne changent pas : les forsythias et les prunus à 2 ou 3 jours près fleurissent toujours à l’équinoxe, même si cette année la poussée de sève a été bien timide. Quelques abeilles s’aventurent à butiner les roses de Noël et les pâquerettes dans la pelouse. Un papillon jaune traverse le jardin.
Depuis quelques jours les oiseaux à la faveur d’un rayon de soleil entre 2 giboulées, chantent à nouveau. Pas le minimum syndical de ces derniers mois : des chants mélodieux et enthousiastes, de ceux qui illuminent ton visage quand tu ouvres les volets et te donnent la patate pour toute la journée.
Le bal des tondeuses a repris, accompagné de cette odeur de gazon fraîchement coupé qui appelle les copains et l'apéro. Ca y est, on va enfin pouvoir de nouveau gratouiller la terre et planter 2, 3 bulbes, et nous comme des …, comme des cons on s'en va !
On met les voiles. Enfin on repart. La grande île nous attend. Je l'avais déjà demandée il y a bien longtemps, mais trop jeune, pas de points, pas de mutation. Cette fois, ma femme, son diplôme d'infirmière puéricultrice fraîchement en poche, va pouvoir ouvrir une crèche. Nous avec les gosses, on suit. Au début ça été un peu difficile pour eux de se faire à l'idée : quitter les copains, l'école et tout l'toutim. Mais quand on a regardé les photos, et envisagé quelques activités, ça a mis tout l'monde d'accord et vite fait.
Et puis on va retrouver une vieille connaissance, une femme qui descend un escalier...
Le doigt sur l'interrupteur, mon regard balaye la cuisine pour m'imprégner de chaque détail, une dernière fois avant longtemps...Clic.

S.Bourguignon

Je suis dans le train qui me ramène définitivement de Budapest.

Je regarde et je pense...

Des poteaux Des antennes

Des arbres Des poteaux

Et puis ce Blanc partout

Des usines tristes

Des maisons grises

Et ce Blanc beau et fou

Paysage qui poisse

mon crâne endormi

Paysage qui glace

mes sens abasourdis

Je n'irai plus là- bas

L'envie s'en est enfuie

Je n'irai plus là- bas

Je m'échappe sans bruit

Entrez dans ma tête

C'est pas vraiment fête

Frappez Cognez

Emportez c' que vous voulez

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Le 30/05/2013

Spéciale brève de trottoir à Saint- Louis du Sénégal

Drôle de galerie de personnages aujourd'hui.
Anna nous fait découvrir l'impayable monsieur G et l'introuvable père O.
Etranges? Vous trou
vez?

Photo: Anna

Saint-Louis, journée couverte et poussiéreuse.

Quête de la matinée : retrouver un tradipraticien, l'impayable monsieur G., localiser la mémoire vive de l’unique cimetière pluriconfessionnel de Saint-Louis, l'introuvable père O.

Quartier Sor :

- Bonjour, ça va bien ? Je cherche monsieur G.

- C’est toi qui viens pour les fétiches ? Il est sorti mais il va revenir.

- Ah bon, il est sorti faire une course ?

- Non il est parti chercher des racines. Ici les arbres sont possédés, même si tu les prends, ça ne servira à rien.

- Ah bon, je ne savais pas.

- Oui c’est des arbres avec des diables, il faut les enlever. Tu viens pour la médecine des fétiches ?

- Oui. Enfin non non, je viens pour poser des questions, pas pour moi ! Parce qu’il m’avait dit qu’il avait un cabinet de médecine traditionnelle en fait…

- Mon frère il a fait un pacte avec les esprits. Avec les fétiches et les cauris. En fait, plus tu es fou, plus tu as la puissance dans ton esprit. Il a beaucoup de secrets dans sa tête, peut-être que sa tête est trop pleine… Plus tu es fou, plus c’est magique. Et mon frère, non, il est trop magique, il est trop magique ! Tu as bien fait de venir !

***

Quartier Darou :

- Mais est-ce que tu sais que très peu d'humains iront au paradis ?!

- Heu non…

- TRES PEU D’HUMAINS iront au paradis. Parce que les voies pour aller au paradis elles sont VILAINES, alors que celles qui amènent en enfer elles sont SEXUELLEMENT ATTIRANTES !

- Ah bon ?...

- Oui. Mais bon on peut pas fuir éternellement nos responsabilités parce que quand Izrafil va sonner sa trompette de la résurrection, les carottes seront cuites. Elles seront BIEN CUITES même ! Donc il faut choisir l'Islam.

- D’accord… Mais sinon, rapport à la maison du père O. ?...

***

« A Saint-Louis, on dit que celui qui a une langue n’est jamais perdu ». Pas sûr madame Fall, pas sûr…

Anna.

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Le 26/06/3013

Spéciale brève de tribunal à Saint- Louis du Sénégal

Seynabou a 17 ans, elle est lycéenne, Asstou a 32 ans, elle est mariée et a quatre enfants, Zeinab a 26 ans, elle est mariée à un immigré parti tenter sa chance en Italie qu’elle n’a jamais vu, elle n’a pas d’enfants, Fatoumata a 34 ans, mariée depuis 18 déjà, et a 6 enfants, Mame Coumba a 29 ans, elle est divorcée et a deux enfants de son premier mariage.

Ces femmes n’ont pas grand-chose en commun, ni l’âge, ni l’origine géographique, ni le statut socio-économique, ni la situation maritale. Je les ai toutes rencontrées, elles et beaucoup d’autres, à la prison de Saint-Louis, au tribunal de la ville, au cours ou au terme d’un long processus judiciaire pour crime d’infanticide. Le taux d’infanticide, ou crime sur nouveau-né, est beaucoup plus élevé au Sénégal que dans tous les pays voisins, avec lesquels il partage pourtant la même religion et des conditions socio-économiques comparables. Un tiers des femmes qui purgent une peine de prison sont incarcérées pour infanticide au Sénégal, 95% des femmes à la prison de Saint-Louis au moment de mon enquête, les 5% restant étaient là pour des avortements clandestins.

Si la contraception est en accès libre et à prix modique dans toutes les pharmacies ici, tout comme la pilule du lendemain, l’information sur les moyens de contraception ne suit pas, et surtout, c’est leur accès social qui pose problème. La sexualité avant le mariage reste un grand tabou, et le planning familial est compliqué dans un pays où la polygamie est de rigueur ; la concurrence entre épouses, la crainte d’un nouveau mariage et la volonté du mari de donner une descendance à sa famille font le reste. Les grossesses hors-mariage sont très mal-vues : « Ici, le problème est posé en termes de mœurs : il n’y a pas de père, et surtout, il n’y a pas de mari. Avoir un enfant dans ces conditions, ça signifie jeter l’opprobre sur soi-même et sur sa famille, surtout sur sa mère », me dit une sage-femme. « Tu as un enfant, ton père te met dehors » résume une petite voisine. « Elles essaient d’avorter, mais ça ne marche pas toujours. Après, la dépénalisation de l’avortement, est-ce que ça aurait pu permettre à ces filles de se faire avorter ?... Le problème, c’est que de toute façon la possibilité n’existe pas » se désole un médecin à voix basse. Un juge un peu original m’a une fois expliqué : « Elle a accouché seule et elle l’a enterré. On imagine toute la détresse qu’il y a dans la tête d’une jeune fille. Elles ne sont pas dans la rébellion, au contraire, elles se conforment aux règles de la société, et tuent pour cacher leur péché, elles ne constituent pas une menace pour la société. Ce n’est pas l’envie ou pas d’avoir un enfant, c’est la peur du flétrissement du regard des autres, de la honte. Qu’est-ce qu’on peut faire en tant que juge ? On est en amont, on ne peut pas dire qu’il n’y a pas d’acte. » A la prison, je demandais aux femmes « qu’est-ce que vous allez faire en premier quand vous allez sortir d’ici ? », elles me répondaient « j’irai demander pardon à mes parents » « à ma mère », « à ma tante qui garde mon enfant », « j’irai demander pardon pour le mal que j’ai fait à ma famille, à ma maman surtout ». Une seule a soufflé « je serais très contente ».

Les procédures judiciaires commencent toujours de la même façon : les gendarmes se déplacent, prévenus « de manière anonyme » selon les rapports de la police, à l’endroit où le corps est trouvé, où une femme est partie un peu trop longtemps en brousse, où les ventres grossissent un peu et remincissent sans nouveau-né. A Saint-Louis comme ailleurs, tout le monde a un œil chez son voisin !

Après un nombre plus ou moins conséquent d’années en prison en attente d’un procès, elles finissent par aboutir devant un tribunal. Confusions sur le sexe de l’enfant, sur l’âge de la prévenue, traductions hasardeuses, changements d’avocats de la défense pendant la procédure… On relève beaucoup d’incohérences au cours de ces procès qui sont considérés comme peu importants. L’année dernière, une affaire de vol de mouton a été jugée pendant 3h45, contre 35 minutes pour le cas d’infanticide qui suivait. Mon juge original poursuit : « la jeune accusée de ce matin, il y a eu renvoi parce qu’il y avait soupçon de minorité, elle passe de coupable à victime. Les avocats de la fille disent que non, il n’y a rien à déclarer, parce que s’il y a renvoi, il va y avoir des recherches à faire, il y aura plus de travail. Par paresse, j’aurais pu ne pas le souligner et la juger pour infanticide. Mais je l’ai décidé, contre l’avis des avocats de la défense, et ça change toute la physionomie du procès. »

Elles se terminent aussi de manière similaire : « pour les infanticides, on met toujours 5 ans, c’est la peine plancher, on ne peut pas aller en dessous selon la loi si on retient l’infraction d’infanticide. Ce ne sont pas des délinquantes, il n’y a jamais de récidive. »

Accusées par des hommes, défendues par des hommes, jugées par des hommes : aucune femme ne siège au tribunal de Saint-Louis. L’année dernière pourtant, une jeune avocate est venue de Dakar pour défendre une femme d’immigré de la région de Louga.

C’était une histoire très commune, une jeune femme mariée par ses parents à un homme qu’elle n’avait jamais vu et qui l’a visitée une fois en sept ans, tombée enceinte alors qu’elle habitait chez ses beaux-parents, dénoncée après l'accouchement par un beau-frère dont elle avait refusé les avances, et déférée ce jour-là après un emprisonnement « provisoire » de deux ans.

C’était aussi une histoire surprenante : le mari était rentré d’Italie à l’annonce de l’incarcération de sa jeune épouse, il lui rendait visite chaque jour à la prison, et en dépit des rires du public du tribunal, et des questions vexantes du juge, il n’en démordait pas : oui, il aimait sa femme, oui, il comprenait ce qui s’était passé, non, il ne divorcerait pas alors qu’il l’avait laissée seule pendant autant d’années, et non, n’en déplaise au juge, cela ne remettait pas en question son honneur ou sa virilité. L’avocate, qui avait le désavantage de son sexe et se son âge, avait mené une enquête minutieuse digne des Experts, a fait changer l’interprète peul qui traduisait à charge, a convoqué le médecin légiste de l’hôpital pour ne pas que son rapport soit interprété, et pour la première fois au Sénégal, j’ai entendu prononcer les mots de « déni de grossesse ». Malgré les preuves apportées que l’enfant était mort-né, l’avocat général a requis une peine de cinq ans de prison, pour condamner la « faute morale » de l’épouse infidèle. La cour ne l’a pas suivi.

C’était enfin une histoire heureuse, j’assistais, après deux ans de terrain, à mon deuxième acquittement, et nous n’étions que trois à faire des bonds de cabri entre les bancs du tribunal : le mari, un journaliste, et moi-même. Les autres étaient déçus, ou franchement mécontents. Qu’importe, ce jour-là justice avait été rendue, et après nous être donnés mutuellement de grandes accolades joyeuses, j’avoue que je suis rentrée chez moi en faisant des entrechats.

Parce qu’il y avait de la relève, et que finalement, les choses allaient peut-être changer !

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Le 27/12/2013

Noël entre Saint-Louis et la Bretagne:

Je vous envoie mes meilleurs vœux de fin d'année un pied à Saint-Louis, l'autre en Bretagne. Je ne suis visiblement pas la seule à jouer les équilibristes, comme me le signalait ma moitié d'un doigt ravi un jour où on traversait le pont Faidherbe dans un taxi pourri.

Je vous avais déjà parlé de ces fameux chauffeurs de Renault 21 retapées, saint-louisiens pur souche ou migrants ruraux, fonctionnaires à la retraite ou jeunes échappés du lycée, modou-modou saisonniers en vacances clandestines ou immigrés de retour définitif d'Europe. Avec eux, à chaque course, aux « Foo dem*1 » traditionnels succèdent rapidement un « fan nga joge*2 » curieux. Leur séjour en France et ma nationalité créent entre nous un lien aussi tangible que ma présence au Sénégal, une réciprocité de statut, un point d'égalité, quelque part entre ce taxi et le 11ème arrondissement. Il y a, entre la France et Saint-Louis, un lien aussi fort que chargé d'ambivalences, difficile à appréhender, et compliqué à vivre au quotidien. Et c'est là, alors que nous nous débattions (encore) à plusieurs dans nos contradictions, notre présence, notre statut de Français, la définition du néocolonialisme, les signes de la Françafrique, l'ONGisation de nos rapports, nos envies d'altérité et notre sentiment d'être des opportunités monétaires, que Noël nous a rattrapés. Au marché, entre les carottes et les mètres de pagnes, on a vu pointer des sapins artificiels ; les boutiques estampillées « mouride » croulaient sous des guirlandes touffues de couleurs vives ; et l'avenue Charles de Gaulle s'est mise à clignoter chaque nuit au rythme de ses guirlandes électriques.

Les commerçants me demandaient ce que je faisais pour les fêtes, la vendeuse de légumes si ma famille venait me rejoindre, et le bijoutier m'a très obligeamment signalé que son cousin, au marché artisanal, avait sculpté une crèche de la nativité en corne de phacochère pour l'occasion. Pas chère !

On s'est pris au jeu, guettant à chaque coin de rue un signe familier ou exotique de Noël, l'appareil photo sur les starting block.

« Noël chez vous, c'est comme la Tabaski chez nous, c'est la fête » m'expliquait simplement le serveur d'un hôtel du sud de l'île en se débattant avec une guirlande particulièrement rétive.

D'ailleurs, au milieu de ces préparatifs, notre défection collective surprenait : on pouvait compter les européens qui réveillonneraient à Saint-Louis sur les doigts d'une seule main. Le commis du boucher argumentait « il faut rester avec nous, il faut rester dans votre famille sénégalaise ». Votre famille, le mot était lâché. C'était peut-être exagéré, mais curieusement je m'y suis retrouvée, peut-être à cause du contexte : qui ne s'est pas senti parfaitement chez lui et complètement étranger dans sa famille pendant le réveillon de Noël ? Qui n'a jamais eu envie successivement de serrer dans ses bras et d'étrangler le beau-père machin ou le frère untel entre la dinde et la bûche ? (toute ressemblance avec des personnages ayant existé...) Rien n'avait vraiment changé, mais cette parenthèse de Noël, tout d'un coup, arrondissait les angles et adoucissait le trait.

*1 : Où tu vas ?

*2 : D'où tu viens ?

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Le 07/02/2014:

Un hiver de ciel bas et de tempête à Ouessant...

Un hiver à Saint-Louis, entre Harmattan et ciel transparent...

Un hiver sous la neige en Haute-Savoie...

Un hiver en Belgique, une saison à ne pas mettre un canard dehors...

Un hiver au Laos, saison des coupures d'électricité, du lotus et de la fête des lumières

Un hiver lumineux au Maroc...

Photos: Anna.

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21/02/2014 - Des visages

Photos: Anna.

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07/03/2014 -Mars, la saison des Carnavals!

Carnaval de Dunkerque

Photos: Anna

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04/04/2014: les métiers

Photos: Anna Roudot

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25/04/2014 -Nos amis les bêtes!

Photos: Anna Roudot

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30/05/2014

Photos: A.Roudot: http://www.flickr.com/photos/114162658@N06/

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20/06/2014

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Le 18/07/2014

L'Or vert du Congo

A. Roudot: http://www.flickr.com/photos/114162658@N06/

Rédigé par belleville-sur-cour

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