Episode 17 - Visite surprise à la loge de Fred...

Publié le 31 Mai 2012

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-          Bonjour, nous voudrions parler à monsieur Fred...

-          C'est moi-même.

-          Police de l'immigration. Nous avons reçu une information concernant votre immeuble. Il abriterait une famille de sans-papiers...  Vous confirmez ?

-          Je n'ai pas l'habitude de demander leurs papiers à mes logeurs quels qu'ils soient...  Mais tous ces gens habitent ici depuis plusieurs années je crois...

-          Vous croyez ?

-          Oui, je viens d'être embauché, mais j'ai assisté à la dernière réunion de syndic, et tout ce joli monde est propriétaire depuis belle lurette...

-          Vous n'avez pas remarqué d'autres personnes étrangères à l'immeuble...  des allées et venues suspectes ?

-          Ecoutez, je ne suis pas accroché à mon œilleton toute la journée, mais...  non, je n'ai rien remarqué.

-          De toute façon, nous repasserons. En attendant, si vous constatez un fait inhabituel ou un peu bizarre, voici ma carte...  Appelez-moi aussitôt, à n'importe quelle heure.

-          Je n'y manquerai pas...

 

Eh ben, les nouvelles vont vite !

Allez, pas de temps à perdre, je vais battre le rappel...  Pour ma première mission, j'aurais préféré un peu moins délicat...  De toute évidence, dans le meilleur des cas, il y a eu imprudence...  Bon, je vais le présenter comme ça...  et observer les réactions...  Putain, c'est chiant ! Tout le monde avait l'air plutôt sympa...

Après un truc pareil, bonjour l'ambiance !...

 

 

 

Fred chez Maëlle

 

-          Bonjour, je peux entrer?

-          Demandé si gentiment... J'étais en train de bosser le passé simple avec Malik... Dis-donc, c'est plus coton que je l'avais imaginé... Avec leur culture des contes, de l'oral et tout ça, je m'attendais à un boulevard, mais penses-tu...

-          Encore un cliché...

-          Vous voulez vraiment que je vous laisse entrer?

-          Oui, blague à part, c'est important. Il s'agit de Malik justement...

-          Venez, asseyez-vous... Je vous offre quelque chose? Une bière?...

-          Allez, va pour une bière... avec des glaçons s'il vous plait... Voilà. J'ai eu la visite de la famille poulaga. Ils avaient plus ou moins eu vent de la présence d'un sans-papiers ici, et ils m'ont demandé si j'étais au courant...

-          ... Bon sang!... Mais comment ils ont su?

-          Je sais pas, mais c'est forcément quelqu'un de l'immeuble qui a parlé. Malik n'est pas sorti.

-          … Oui, Malik? Qu'est-ce que tu veux? On fait une petite pause, là, je discute avec Fred...

-          Je descends voir Ferdinand.

-          D'accord!...
... J'aime autant qu'il soit parti. J'espère qu'il n'a rien entendu... Ah, quelle poisse! Je vais regarder tout le monde autrement, maintenant... Qui ça peut être... Sans compter que c'est pas fini...

-          Non, et d'ailleurs, ils vont revenir, c'est sûr. C'est une question de jours...

-          Souviens-toi, je te tutoie, hein, qu'il y en avait plusieurs qui n'étaient pas emballés: Charles, Béatrice, Claire… sans compter ceux qui n'osent pas la ramener mais qu'en pensent pas moins... Ah la la, je peux pas continuer à fonctionner comme ça...

-          Comment?

-          Ben qu'une copine de l'assoc vienne habiter chez moi du lundi au jeudi pour garder Malik. Si l'immeuble est déjà repéré, là c'est comme si je les conduisais directement à l'appart. Je trouve d'ailleurs bizarre de pas avoir déjà eu leur visite...  Je pourrais l'emmener chez moi en Bretagne?...

-          Si tu veux te faire gauler avec Malik , c'est la bonne idée. Tu penses bien qu'on est ou qu'on va être tous sous surveillance!

-          On sonne. Deux minutes...

-          Regarde à l'œilleton avant!

-          Ferdinand!...  Vous ramenez Malik?

-          De justesse, oui, je l'ai croisé au bout de la rue. Il partait...

-          Malik! Mais ça va pas! On t'a dit que tu ne devais pas sortir... T'es inconscient ou quoi?

-          Au contraire! Je sais très bien que je vous ramène plein d'ennuis! Et de toute façon, j'en ai marre, marre et marre!
Marre d'être enfermé, avec cette fille de l'association qui sait pas me parler, de pas pouvoir choisir mes copains et mes jeux, marre de te sentir sur les nerfs, de pas être à ma place, de guetter le bon vouloir des uns et des autres, d'être à leur disposition et d'attendre. Je passe mon temps à attendre; y'a rien de pire. Maintenant je sais que c'est la plus terrible des tortures. Quand je serai grand, si j'en veux à mort à quelqu'un, si je veux le faire souffrir, le soumettre à mon pouvoir... je le ferai attendre...

-          Je sais pas quoi te dire. Tout ce que tu racontes est vrai, mon Malik, mais c'est tellement difficile...

-          Maëlle, ne vous culpabilisez pas... Mais ce garçon ne peut plus rester avec une quasi inconnue. Elle fait ce qu'elle peut, mais elle n'est pas, comment dirais-je, très investie dans cette relation. De toute façon, la donne a changé... Il m'a raconté...  Nous n'avons plus le choix. Il faut nous décider, et vite. Je crois que nous devons, Anastasia et moi, le prendre à demeure, s'il le désire en tout cas. Nous ne pouvons plus nous contenter de cette histoire de petit-fils inventée de toutes pièces pour la galerie, et qui s'effondrera comme un château de cartes à la moindre enquête... Ecoute-moi, garçon, tout ne va pas devenir rose du jour au lendemain. Tu es un clandestin. Il faut que tu l'intègres et que tu l'acceptes pour quelque temps. Mais si tu es chez nous, tu auras toujours quelqu'un pour en parler... Tu pourras avoir ta chambre dans mon atelier. C'est un ancien local à charbon dont la porte d'entrée se trouve au fond d'un grand placard de la salle de bain.
... C'est très biscornu, mais pour une fois bien pratique...

-          Un passage secret?...

-          On peut le dire comme ça, oui... Nous, nous voulons t'accueillir pour que nous nous rendions service mutuellement. Anastasia et moi avons du temps et de l'affection à te donner... et nous attendons la même chose de toi. Nous te connaissons, maintenant, et nous savons que nous pouvons compter sur toi. Nous sommes de la vieille école, tu sais, alors tu suivras ton programme scolaire scrupuleusement, tu mangeras à heures fixes... Ce sont les autres enfants de l'immeuble qui viendront chez toi, et pas le contraire... Tu n'auras plus l'impression de quémander leur amitié. Il faudra aussi que tu puisses correspondre avec tes parents et que nous fassions passer les messages. Et c'est tout. Tu ne dois pas sortir de l'immeuble et tu devras encore attendre l'essentiel, mais pour le reste, nous serons là, à demeure... Tu décides, garçon...

-          C'est oui! Je veux! Et puis je vous adore tous les deux!

-          Quand je te disais donnant donnant!... Maëlle, je ne vous ai même pas demandé votre avis...

-          C'est le privilège de l'âge... Bien sûr j'en parle à l'assoc, mais dans la conjoncture actuelle, je pense qu'ils seront d'accord, et moi, je me sens soulagée...

-          Sans compter que si la police perquisitionne, j'ai la naïveté de penser qu'ils seront moins regardants avec des personnes de notre âge. Dans le cas contraire, je peux les amadouer en sortant quelques papiers officiels qui peuvent encore impressionner. Je ne l'ai pas fait depuis la fin de la guerre, mais s'il le faut... Je peux même aller jusqu'à passer un ou de coups de téléphone à des relations très bien placées...

-          Tu en penses quoi, Fred?...

-          La même chose que toi. On ne maîtrise pas grand-chose, alors il faut essayer de régler les problèmes dans l'ordre, petit à petit... et à ce propos, il y a toujours une balance dans l'immeuble...

-          T'as raison, il faut la trouver...

-          Bien sûr, mais ce n'est pas ce que je voulais dire... Malik...

-          Oh non, Fred, même si je leur fais promettre de tenir leur langue?... D'accord... Pas de visites des autres enfants...

-          Je compte sur vous monsieur Piron. Soyez très vigilant!

-          Compris Fred, j'y avais pensé, mais je n'arrivais pas à l'exprimer... Je deviens sans doute trop sensible en vieillissant, ou trop crédule peut-être...

-          On va le trouver Malik, et très vite, je t'en fais la promesse. J'ai eu ton âge et je sais trop ce que c'est de ne pas avoir de copains... Et crois-moi, on va lui enlever l'envie de parler à tort et à travers pour un bon bout de temps...

-          Heu… Maëlle…

-         Ouais, d’accord… T’as bien compris, hein Malik, je voulais dire qu’on discuterait gentiment avec cette personne…

Rédigé par belleville-sur-cour

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S
C'est vrai, il y a une/ des balance(s), mais il y a aussi des Piron, des Fred et des Maëlle! Perso c'est à ça que je m'accroche!
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B
<br /> <br /> Voilà un rappel indispensable...<br /> <br /> <br /> Merci Seb!<br /> <br /> <br /> <br />
S
En l'occurence, courir super vite peut de se révéler fort utile....... Je ne vous connais pas Samuel, mais vous m'avez bien fait rigoler !<br /> Il reste encore un peu d'humanité dans cet épisode jusqu'à ...... ce qu'on découvre la taupe qui sera noyée/pendue du plongeoir de la piscine de l'immeuble. Non mais......
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B
<br /> <br /> Me semble que les piscines ne courent pas les champs dans les immeubles de Belleville, mais bon... ces départements d'outremer, c'est tout de même une autre réalité...<br /> <br /> <br /> Merci Sylvie!<br /> <br /> <br /> <br />
S
La tension monte encore d'un cran, c'est bon ça. Le rappel à la guerre est fichtrement judicieux. La question centrale et tellement embarrassante... Qu'aurions nous fait ? Que ferions nous ? Cette<br /> fiction (en est-elle vraiment une ?) résonne en nous tous. Cette question nous revient chaque semaine en pleine gu.... en ce qu'elle a de plus dérangeant. Et en même temps on glisse tranquillement<br /> vers l'addiction du jeudi soir. Jésus Marie Josée Pérec... ce nouveau genre est tout simplement diabolique !
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B
<br /> <br /> Manquait plus que Josée Perec dans cette drôle d'histoire pas aussi bizarre qu'elle en a l'air, comme tu viens de nous le rappeler...<br /> <br /> <br /> Merci Samuel!<br /> <br /> <br /> <br />
Y
Oh non...
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B
<br /> <br /> Allons Yohann, les conclusions à tirer ne sont peut-être pas aussi radicales...<br /> <br /> <br /> Merci!<br /> <br /> <br /> <br />
I
ca se complique... voilà que ce collectif qui semblait si soudé et exemplaire s'avère tristement......humain.<br /> La partie de Cluedo vient de commencer! Serait-ce Charles au rez-de-chaussée avec le chandelier?!
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