LONGUE-VUE (belleville-la-rue)

Publié le 10 Janvier 2013

 

LONGUE-VUE

 


Le 14/01/2013: Giloo et Tribaloya

 

 

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- "Vous ne seriez pas Giloo"?

ça aurait pu durer longtemps. Il s'était installé à une table avec Shanty, une amie de longue date, un peu plus loin, tout discrètement, et nous, on ne l'avait pas reconnu. Il faut dire que la fois où on l'avait croisé, c'est en tant que spectatrices, un peu loin de la scène dans la salle surchauffée du Kervéguen...

Dès qu'on lui parle de la diffusion de notre blog, sur le Télégramme, le fameux quotidien breton, la messe est dite. Gilloo aime la Bretagne. Et pas n'importe laquelle, celle du Nord- Finistère, entre Brest et Lesneven.

Cet homme ne peut être foncièrement mauvais...

Il y a vécu huit ans, le temps de se faire quelques bons potes, d'apprécier cette terre de musicos au point de s'y essayer...et surtout, de faire un enfant.

Le voilà revenu dans sa Réunion d'origine, la musique comme fil conducteur, mais pas que... ou pas n'importe comment, plutôt.

Le propos est clair, réfléchi. Giloo dit les choses sans fioriture, tranquillement, mais fermement.

Son projet actuel est avant tout un projet associatif et on comprend vite que le collectif n'est pas seulement un mot pour lui.

D'ailleurs, c'est au nom d'Audrey Alexandrie, une amie du groupe, qu'il nous l'explique:

"Notre projet est né, au tout début, de la rencontre de deux artistes qui se sont retrouvés autour d'une même passion: la musique, et autour d'une même envie, celle de partager, rassembler, mélanger, expérimenter, et s'exprimer bien sûr.

De cet échange, un partenariat associatif a vu le jour, un regroupement de personnes motivées pour promouvoir la richesse du métissage musical réunionnais.

Aujourd'hui cet esprit rassemble plus d'une vingtaine de musiciens, des gens venus de tous bords et réunis dans un réseau collectif et solidaire, avec pour objectif d'offrir au public réunionnais et d'ailleurs un regard nouveau sur la culture et les arts à La Réunion..."

Et quand on dit que ce ne sont pas que des mots...Le collectif prépare actuellement une grande soirée de travaux pratiques et de soutien au Collectif où musique, graff, arts du cirque et autres feront bon ménage.

C'est prévu pour le 1er février et c 'est d'ailleurs un concept qu'ils ont déjà expérimenté par le passé.

Idem pour les enregistrements. Giloo met la dernière touche à une salle de répé, un studio (Ze Box) qu'il a monté chez lui avec des copains, comme Alex Sorres, l'un des embarqués dans l'aventure. On aura compris que ce lieu sera aussi un studio de vie où tous les arts seront conviés.

Intention confirmée:" Quand on parle de Réunion, on parle de terre de métissage, de partage et il va de soi que ça se décline en mélanges".

Bien sûr, il y a l'envie, beaucoup d'envie, mais soyons clair, on parle aussi d'organisation de survie pour des artistes réunionnais qui ont bien du mal à s'en sortir. L'appui des collectivités est rare et partir jouer ailleurs coùte cher. Tribaloya l'a déjà fait, mais ça se traduit en un nombre de dates impressionnant à chaque fois, 16 en 2009, 23 en 2012...Même si, toujours dans le même esprit, des échanges sont organisés, comme avec "Poutrelle Fever" venus en tournée à La Réunion

Alors avec un collectif, on est forcément plus fort, plus inventif, les réseaux et les tuyaux s'additionnent.

Pour Giloo, la musique est un service collectif et pourquoi pas, une monnaie d'échange...En ces temps de crise où l'on prend peu à peu conscience qu'il va falloir se coltiner d'autres fonctionnements, être imaginatif et festif si on ne veut pas mourir triste (pauvre, on le sera), voilà qui est intéressant.

Après cela, on aura essayé d'amener Gilloo sur d'autres rives, un peu plus légères...Tâche ardue, tant ce projet lui colle à la peau.

En vrac, il aime la guitare, plus gaie à ses yeux que le piano, a bien apprécié de participer à la musique d'un long métrage( Racine des hommes), ses choix musicaux, sont le maloya, le rock et le roots...Il a bien conscience que la voix est un sacré instrument, et il répond de bon gré à notre questionnaire- éclair que nous proposerons désormais à chaque interview:

 

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- Que supprimerais-tu en priorité à La Réunion?

- L'électricité. Pour réapprendre à aimer la vie, la vraie sans télé ni internet

 

- Que voudrais-tu garder absolument?

- Le métissage


- Imagine que tu es bloqué sur l'île pour un bon moment, une très longue période, quelle est la première phrase qui te vient à l'esprit?

- On est dans le merde!


- Tu as droit à un échange avec l'extérieur...

- Je donne le béton contre de la glace à la fraise


-Toujours coupé de tout, quelle serait  la première personne à qui tu aimerais écrire?

- Un ami breton de Plabennec


- Ton plus beau rêve serait...?

- Une performance sur la beauté du monde


- Ton pire cauchemar?

- La faim

 

 

 

Giloo en 4 dates ou chiffres:

 

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- Le 3 septembre 1980: sa naissance...donc, plutôt content d'en être


- Le "9": chiffre porte-bonheur plusieurs fois constaté


- Le 25 juillet 1999: naissance de Driss...donc très content qu'il en soit


- Le 16 janvier 2007: 1er concert à Kabar-Boissy...drôlement content d' en avoir été


...et pour terminer, son expression du jour, à propos du 1er CD de Tribaloya:

" Moulé à la louche, gravé à la main!"

 

Merci pour le temps, le ton, et le tout!

 

 


Découvrez L'Aventure Gran Mèr Kal'...

 


Giloo & Tribaloya | Myspace Video

 

 

...Et la chanson éponyme!


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Vous pouvez  aussi retrouver le groupe et suivre leur actualité sur leur profil "myspace":

On parie qu'on en reparle bientôt?!

 

Photos: Tribaloya officiel


 

Le 21/01/2013: Rencontre avec Claude.

 

 

Il était un très grand navire....

 


 

 

 

 

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Photo: Gawa

 

…..et une très longue histoire qu'une soirée, pourtant fort nourrie, n'aura pas suffi à en démêler l'écheveau.

Mais commençons par le commencement. Un cri, comme souvent, devant l'Etonnant, le Scotchant, le Gigantesque...Sauf qu'en l'occurrence, il s'agit d'un bateau, un catamaran amarré depuis quelques jours en bout de quai du port de Saint- Pierre.

C'est toujours un moment particulier de mettre un pied sur ce type d'engin, parce qu'il force le respect et l'admiration. L'envie de faire connaissance avec son équipage arrive juste derrière.

Le capitaine, Claude Kervolen nous présente la bestiole et son parcours : nous avons donc à faire à un catamaran fabuleux de 24 mètres, parti de Martinique depuis 6 ans. Il s'agit d'un bateau charter loué ni plus ni moins cher qu'un autre, comme son nom ne l'indique pas, à des particuliers, des sociétés ou même des chercheurs, comme Franck Goddio par exemple, le fameux spécialiste en archéologie sous-marine,découvreur du trésor d'Alexandrie, pour qui il a travaillé en pré-recherche.

Ils sont 5 à bord, un équipage composé de marins embauchés en Afrique du Sud pour deux d'entre eux et ce jusqu'à la fin du périple, et de copains aussi, récupérés en cours de route, comme Georges, qui vit à La Réunion depuis une dizaine d'années ou un autre, cuistot de son état..Claude partage donc sa vie entre terre et mer. Souvent, la mer est calme. Quelquefois un peu moins comme en 2006, où une attaque de pirates a bien failli gâcher la traversée. Heureusement, son bateau était le plus rapide...

Cette fois-ci, ce long voyage, entrecoupé de longues pauses s'achèvera à son point de départ, en Martinique avec entre temps et entre autres, l'Afrique du Sud, le Brésil et Trinidad à épingler sur la route.

Ce jeune homme des mers, tout alu, a 20 ans et c'est Claude, avec quelques années de plus au compteur de la vie, qui l'a construit. C'est son métier. Il a été à la tête de sociétés de construction navale qu'il a fini par revendre. Mais il n'a pas dit son dernier mot. Il se verrait bien remettre le pied à l'étrier dans les prochaines années, à Nantes ou Lorient, dans la région qui l'a vu naître...

Et on en arrive au coeur de notre histoire, où il sera longuement question de racines et de filiation, d'héritage et de transmission, de cap à tenir dans un monde qui n'a plus guère de boussole.

Claude tempête sans qu'on ait besoin de beaucoup insister contre cette société qui donne trop vite les fruits à cueillir à ses enfants au lieu de les inciter à les faire pousser. Son constat est amer :   « Nos parents se sont battus pour le pays de leurs enfants. Nous, nous n'avons rien fait ...et regardez ce que nous faisons de nos talents...Le pays est plein d'artisans compétents, sérieux, qu'on laisse partir... » La discussion prendra souvent le chemin de la politique, de sujets de société brûlants au cours de cette soirée. Elle sera sincèrement passionnée tant les avis seront divergents autour de la table. Mais c'est une table ouverte et généreuse qui verra passer tour à tour le capitaine du port, tellement accueillant et sa compagne au sourire généreux, ou l'un des artisans que Claude cite en exemple, le réparateur de la pompe à injection du bateau, rapide, efficace et discret...comme Georges, forestier de formation, au parcours tellement riche qu'il nécessiterait un portrait à lui tout seul...mais qui nous a fait promettre de ne pas «  le mettre en avant ». On ne va pas commencer à jouer avec la confiance. C'est un milieu où elle ne se donne pas facilement...

On en revient donc à Claude. Il est né à Camaret, en Finistère. Il va y vivre les onze premières années de sa vie jusqu'à ce qu'on remercie brutalement son père qui travaille au chantier naval du coin( tiens, tiens...)

Alors c'est direction la capitale où Claude fera l'école hôtelière, un domaine où on n'a jamais faim, comme le lui dit sa maman...jusqu'à ce qu'il revienne à ses amours. Amour de l'eau depuis toujours et des voyages depuis qu'un arrière grand-père a eu l'idée d'aller construire sa ferme aux Etats- Unis, à Kansas City avant de revenir en France en 1914. Au passage il restera y faire la guerre et y verra mourir tous ses frères...

Transmission toujours, son premier fils, âgé d'une trentaine d'années, l'a souvent accompagné dans ses périples avant de poser son sac, celui d'une famille nouvellement constituée...

Tiens, voilà encore un mot qui revient souvent dans la bouche de Claude, la famille : 46 cousins germains, tant la fratrie parentale est nombreuse...103 petits cousins. Une famille plutôt sympa qui lui donnerait presque envie de racheter à plusieurs le petit manoir en ruine d'une cousine qui l'a mis en vente pour une bouchée de pain ...Voilà pour la vraie, avec quelques petites touches rajoutées sur ses mariages, enfants et organisation pour continuer à côtoyer tout ce petit monde : un pied sur la terre des vaches, l'autre sur le pont du bateau...

Mais il y a l'autre, la famille des rencontres. Avec un père Jaouen jamais loin sur la route de sa vie, qu'il connait depuis ses 17 ans et qu'il a revu, bon pied bon œil, il y a peu à l'Aber Wrac'h. Quelqu'un qui compte, un exemple, presque un modèle. Une sacrée balise, quoi, comme Jean- Claude, l'ami d'enfance fédérateur, celui qui a le pouvoir de retrouver et de rassembler...ou Jean- Louis Etienne.

 

 

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Photo by Toniox

(http://www.trekearth.com/gallery/Europe/France/Other/Reunion/Saint-Pierre/photo356158.htm)


 

Le temps est peut-être venu de poser nos questions rituelles. Nous n'allons pas essayer de vous expliquer la difficulté de la tâche, et pourtant, on a bien cru ne jamais y arriver, faute à cette discussion qui repartait dans l'autre sens quand on croyait tenir la corde...Mutiques les marins ? Alors c'est qu'on a trouvé un spécimen unique !...

 

«  Allez, un peu de fiction...Vous êtes bloqué dans l'île pendant un temps indéterminé, probablement très long...Quelle est la première phrase qui vous vient à l'esprit ?

-ça me fait chier de pas pouvoir naviguer, mais bon, c'est un bel endroit...

 

-En cas de profond bouleversement à La Réunion,que pensez-vous qu'il faut absolument conserver ?

-La terre à cultiver

 

-Que voudriez-vous supprimer ?

-Toutes les allocations, pour obliger les gens à se bouger

 

-Vous avez droit de faire venir une dernière personne dans l'île avant d'y être assigné, quel est votre choix ?

-Ma femme

 

 

On vous demande une monnaie d'échange...

-Mon bateau

 

 

-Quelle serait la première personne à qui vous écririez, pour raconter ?

-Jean- Claude Cochet, l'Ami

 

 

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Source: randoreunion.fr

 


 

Claude en 4 dates :


 

- 27 septembre 1918 : naissance de ma mère Noëline. Elle ressemblait à son prénom. Un concentré de douceur et d'humanité. Du Beau et du Bon...

  • 22 janvier 1953 : ma naissance. Chaque année, j'envoyais une carte à maman pour la remercier de m'avoir fait naître.

  • 27 septembre 1971 : Rencontre avec le père Jaouen, le jour de mon naufrage alors que j'ai 17 ans et demi...Oui, un 27 septembre...

  • 25 juin 2005 : naissance de mon dernier, Tom. Une arrivée magique...

 

Claude nous a lâché ces dates comme on lâche prise, le cœur au bord des yeux. On a bien compris : les balises, c'est important, mais un phare, c'est vital.

Le sien est là depuis le tout début et va continuer à tenir une sacrée place jusqu'au bout.

Qu'il continue à bien lui tracer la route.

 

 

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Photo: Gawa

 

Merci à Claude, à Georges, Joseph, Kyle, et à tous les autres...

 

Belle rencontre, ma foi...

 


 

Le 12/02/2013: Quand une zoreille débarque à la Réunion...

 

Débarquement à la Réunion, aéroport Roland Garros de Saint-Denis.


Vous avez dit « zoreille » ?


Tout comme nos amis communs de la copro, Maëlle, Fred et les autres, j’ai moi aussi débarqué un jour sur ce petit bout de terre de 2507km2, située au beau milieu de l’Océan Indien et répondant au doux nom de « Réunion ».  En provenance directe de Belleville, j’allais me retrouver à pas moins de 10 000km du quartier où j’avais élu domicile ces derniers temps et qui m’avait d’ailleurs enchantée. Toujours heureuse de découvrir de nouvelles contrées, je vivais toutefois assez bien l’idée de cette « séparation », d’autant mieux d’ailleurs  que j’arrivais « en touriste », le temps des vacances…

 

 

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 Source: http://www.blognatte.wordpress.com/


 

Comme tout le monde à l’exception des marins, c’est à l’aéroport Roland Garros de Saint-Denis –chef lieu de ce département d’outre-mer que j’ai effectué mes premiers pas sur le sol réunionnais. Située au nord de l’île, je découvrirai Saint-Denis une autre fois, car c’est à l’opposé que je dois me rendre, à Saint-Pierre, dite « capitale du sud ». Le trajet se fera par la « route du littoral » et à bord de l’un des fameux « cars jaunes », les véhicules officiels du département qui relient les différentes villes de l’île entre elles.

Consciencieusement, je feuillette un guide et me penche sur les quelques « formules d’usage » qui y sont traduites du français au créole. Cette langue que j’ai déjà entendue parlée autour de moi durant ce trajet est douce à l’oreille. La découvrir à l’écrit confirme ce que m’a dit ma mère, qui habite l’île depuis déjà plusieurs années, à savoir qu’il s’agit d’une langue très fleurie et très imagée. Pour « petit à petit » par exemple, on dira « ti pas ti pas ». Au chapitre des proverbes, «Ti hache y coupe gros bois » me plait particulièrement. Dans un autre registre, lors d’une dispute qui implique quelques empoignades, on parlera d’un « râlé-poussé ». Il y a aussi les expressions plus récentes qu’il faut apprendre à apprivoiser, en se méfiant parfois des apparences… Les paroles de ma sœur me reviennent : « Tu vois, par exemple, si tu es dans la rue ou une soirée, et que quelqu’un dit que tu es une goyave, tu gifles l’impudent ! ». La goyave d’ici serait donc le thon d’ailleurs… décidément, le langage me fascine ! Il est un autre terme qui reviendra souvent et que j’apprends très vite. Goyave ou pas goyave, ce que je suis assurément ici, c’est « zoreille ». Par « zoreille », entendez toute personne originaire de la métropole. Autant vous le dire, je ne suis toujours pas parvenue à trouver clairement l’origine de ce terme. Cela pourrait venir du fait qu’au temps de la colonisation, les métropolitains ne comprenaient pas le créole et faisaient sans cesse répéter les phrases en faisant mine de tendre l’oreille. Ou aussi du fait que, brusquement soumis à un climat tropical, les métropolitains et notamment leurs oreilles ont tendance à rougir les premiers jours. Ou encore, parce que dans la période précédent la départementalisation, nombre de métropolitains présents à La Réunion auraient en fait été envoyés par Paris, chargés de surveiller et de « laisser traîner leurs oreilles » afin de glaner des informations à rapporter en métropole. Dans un tout autre style enfin, certains font remonter l’origine de cette expression à la période coloniale. Au temps où les colons mettaient des « chasseurs de marron » aux trousses des esclaves qui s’étaient enfuis, et qu’ils payaient en fonction du nombre de paires d’oreilles ramenée. Aucune de ces hypothèses n’a été officiellement validée plus qu’une autre. Et à dire vraie, aucune ne me plaît réellement. Mais j’ai bien été « la ptite blanche » de ma classe au Mali, une « frog » parmi tant d’autres  chez les roastbeef, enfin en Angleterre, et même une « harraga » (immigré clandestin) au Maroc, je pourrai bien être une zoreille à la Réunion. Car tout comme les précédents, ce terme de « zoreille » n’est dépréciatif que lorsque ceux qui l’utilisent le décident.


 

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Zoreille, oui....mais de korrigan breton!


 

 

Le séjour s’est poursuivi. Et c’est fréquemment qu’au détour d’un virage, on a l’impression d’être tombé sur un bout de paradis perdu, un morceau du jardin d’Eden, qui pour une raison ou une autre nous aurait été finalement rendu. Pour commencer, connaissez-vous beaucoup de lieux qui vous permettent d’observer la mer en vous tournant vers la gauche, et la montagne en vous tournant vers la droite ? Il me semble qu’hormis le Liban qui m’avait offert cette chance il y a plusieurs années, la Réunion soit la seule dans ce cas qu’il m’ait été permis de voir. On y distingue donc généralement ces deux secteurs, d’une part le littoral et de l’autre les « Hauts » -régions juchées dans la montagne. Deux sommets se détachent de cette dernière, le Piton de l Fournaise et le Piton des Neiges, qui coiffent une forêt tropicale d’un vert tendre. Les trois Cirques de Cilaos, Salazie et Mafate, effondrements spectaculaires de la voûte d’un des volcans du Massif et incontournables de tous les randonneurs dignes de ce nom, forment une sorte de trèfle autour du Piton des Neiges.

 

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La Réunion est de toute façon l’un des lieux les plus polymorphes que je connaisse. Concernée par un climat à  la fois tropical dans l‘ensemble et océanique sur ses littoraux, « l’Île Intense », comme on la nomme souvent, connaît une faune et surtout une flore incroyablement riches, avec par exemple pas moins de 150 espèces endémiques. La Réunion ressemble ainsi à une sorte de jardin botanique grandeur nature, au sein duquel les arbres n’ont rien à envier aux fleurs en termes de couleurs, jacarandas aux reflets mauves, frangipaniers blancs et jaunes et flamboyants rouge vif d’un côté, pour orchidées, fuchsias, hortensias ou capucines de l’autre. Cette nature généreuse offre aussi de nombreuses plantes et herbes médicinales, utilisées depuis des générations dans le domaine de la médecine « traditionnelle », « douce », un temps délaissées mais à nouveau au centre des attentions et de nouvelles recherches aujourd’hui.  On finit d’ailleurs par se demander ce qui pourrait bien ne pas pousser !

 

 

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 Source: http://www.futura-sciences.com/

 

 

L’Île Intense semble donc offrir une qualité de vie et un environnement assez extraordinaire, et en fermant les yeux on a aisément l’image d’un oasis au cœur de l’Océan Indien. On aurait pourtant tort d’idéaliser la situation. Car la conjoncture des départements d’Outre-mer reste globalement étroitement liée aux évolutions métropolitaines ce qui, en ces temps de crise, n’est pas forcément réjouissant. Et si ce territoire continue à être considéré comme dynamique, c’est que sa croissance a su être soutenue par une démographie très forte –un des taux de natalité les plus élevés de France) et une fiscalité avantageuse. C’est le chômage qui est la véritable bête noire de l’économie de l’île avec là aussi un des taux français les plus élevés (29%), ainsi qu’une balance commerciale très déséquilibrée et déficitaire, comptant bien plus d’importations que d’exportations.

Mais les vacances sont passées, et je suis restée. Parce que crise à part, il est vrai qu’il fait bon vivre sur cette île de la Réunion qui porte si bien son nom. Je crois qu’il s’agit du premier endroit que je connaisse où tant de populations et de cultures différentes cohabitent -et même parfois se mélangent- de manière pacifique et sans heurt majeur. C’est assez rare pour être souligné ! Sans compter que, dans cette « catégorie » des zoreilles à laquelle j’appartiens, j’ai là aussi pu constater une certaine diversité, qu’il s’agisse de l’origine géographique, des raisons qui ont poussé à venir ici, des activités exercées ou des trajectoires de vie observées. Et si certains profils restent plus communs (fonctionnaires, professions médicales et para-médicales par exemple), on trouve aussi de plus en plus de personnes s’étant détournées du modèle économique dominant en métropole, et venues à la rencontre d’autres personnes désireuses d’expérimenter d’autres voies. Ainsi, en l’espace de quelques semaines seulement, j’ai croisé : un musicien qui faisait dans l’auto-production, l’échange et le collectif, un patron de bar bien sympa, un capitaine de bateau en plein tour du monde qui faisait que passer, des gens qui mettaient en pratique l’idée d’une monnaie auto-gérée et indexée sur la valeur temps, un patron de bar bien sympa, le meilleur pizzaïolo de l’Océan Indien (au moins !), un révolutionnaire qui voulait en découdre avec Vinci et qui était sur la piste d’un camion, des producteurs péï de fruits et légumes « lontan » dont j’ignorais jusqu’au nom, des gens qui se cherchaient et d’autres qui avaient décidé de se laisser un peu de temps avant de se trouver, d’autres patrons de bars bien sympas, des gens avec qui construire des fours solaires, d’autres en pleine reconversion professionnelle…


 ...Et un raton laveur ?

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 Ici, point de raton-laveur mais des margouillats, l'un des symboles de l'île!

Source: http://www.fleurdestropiques.net

 

 

Il semblerait donc que bien des chemins hors des sentiers battus mènent à la Réunion... Quand je vous disais qu’elle portait bien son nom!


 

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Une histoire qui se construira"ti-pas ti-pas"...

Source: http://www.ilétaitunefoi.unblog.fr

 


 

 Le 28/02/2013/ Rencontre avec le responsable de "Bateau-Sud-Ecole" à Saint-Pierre

 

Mardi....

Port de Saint- Pierre

Temps nuageux

Vent de Sud- Est avec  rafales de 50 à 55km/h

Mer peu agitée à agitée...

 

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Rendez-vous  devant Bateau Sud Ecole, avec le responsable, Frédéric Tronc.

Ce bateau- Ecole propose des permis et des formations nautiques et Frédéric en tient les rênes depuis 2004.

Rien d'étonnant à cela. La mer est l'une de ses passions. La faute à un oncle pêcheur peut-être...

Résultat, il devient membre de la SNSM dès 1992 et s'intéresse de près au port de Saint- Pierre. Preuve en est le mémoire qu'il a soutenu à son sujet en 2001...

....Mais revenons à ses débuts!

Frédéric est né à La Réunion. Ses parents s'y sont installés juste après l'indépendance de Magagascar, l'une des îles où ils ont vécu. Des parents îliens font des enfants qui ont parfois du mal à trouver dans le langage courant celui qui définit le mieux leur origine et leur appartenance...Kréopolitain...Zoréol? Aucun mot ne semble correspondre exactement à son parcours familial.

Mais pour Frédéric, il est né natif de La Réunion, et y a les deux pieds  bien ancrés, sans avoir besoin de jouer aux équilibristes..

La vie l'a parfois amené à partir ailleurs, à Toulouse après le bac, pour une fac de médecine puis de biologie, mais c'est pour mieux revenir, en STAPS au Tampon, en sportif qu'il est et  restera.

Quelques années plus tard, après avoir été, entre autres, moniteur de tennis, avoir passé sa licence, s'être essayé au concours de professeur des écoles et réussi celui de sapeur- pompier, il tente donc l'aventure du bateau-Ecole avant d'être embauché en parallèle chez les sapeurs en 2005.

Frédéric pourrait être tout simplement un passionné , ce qui par les temps qui courent, est déjà beaucoup. Mais sa personnalité le pousse aussi et surtout à donner de son temps et de son énergie, et à partager ce qu'il connait avec d'autres, à travers des associations dans lesquelles il milite. Il a été trésorier des sapeurs- pompiers pendant 3 ans et il fait partie du bureau de l'association l' AFEMAR, l'association des femmes de marins- pêcheurs de Terre sainte.

Il s'agit d'un formidable collectif qui met en place des actions qui concourent au dynamisme social local, donne une place importante à ses habitants et les implique dans les projets afin qu’ils puissent être garants de la mémoire collective et de sa transmission. 

Avec l’appui d’un réseau de partenaires, l’AFEMAR  met en œuvre un ensemble d’actions favorisant un mieux vivre ensemble sur le quartier autour de la culture et du patrimoine, de la prévention de la délinquance et de la récidive, la participation des habitants, l’insertion, l’enfance et la jeunesse. Cette situation confère à l’association un rôle d’interface privilégiée entre la population et les différents acteurs du territoire*.

 Il s'est aussi rapproché de l'association des pêcheurs de Saint- Philippe. L'association était propriétaire de dix barques mais personne n'avait le permis. Il a donc organisé une formation au permis bateau pour 17 personnes. Actuellement, 14 l'ont déjà eu...Joli succès!

Il a d'ailleurs proposé, équipé de sa caméra étanche, de filmer et monter la mise à l'eau de ces barques, des images lontan pour sauvegarder la mémoire d'un métier en disparition.


  Nous pourrions continuer à fouiller davantage dans l'histoire de Frédéric. On y trouverait toujours cette même passion et cet engagement tant  ils font partie inhérente du personnage

Et l'on devine qu'ils peuvent être déclinés à l'infini.

Manque tout de même  un pan incontournable de sa vie, le plus important sans doute. On le vérifie aisément quand on lui demande de donner les 3 dates les plus importantes de sa vie:

 

- septembre 2002: rencontre d'Emmanuelle

- 28 mars 2007: naissance de Lili

- 25 août 2008: naissance d'Edgar

 

...On vous avait prévenus!


Merci de tout coeur à Frédéric Tronc

 


* Nous reviendrons plus longuement à cette association dans un prochain article.

 


 

 

 

 

 

 

 

Rédigé par belleville-sur-cour

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