Saison 2: Episode 8
Publié le 25 Octobre 2012
Jacques à Maëlle
Photo: Gawa
« Maëlle...
Je préfère t’écrire ce que j’ai à te dire. Je me décide à le faire, parce que j’ai du mal à vivre notre situation. Je ne sais ni où on en est, ni où on va mais surtout je n’arrive pas à savoir quel regard tu portes sur notre début d’histoire. J’ai l’impression douloureuse que tu ne lui accordes pas l’importance qu’elle mérite, celle qui lui donne à mes yeux une place particulière dans ma vie aujourd’hui.
Je t’ai un peu raconté mon parcours. Tu as compris à quel point le travail y était central, tu l’as aussi perçu à travers les tensions avec Tom à ce sujet. Ce que tu ne sais pas, c’est qu’ il a toujours été ma colonne vertébrale d’une vie qui n’en avait pas d’autre. Il a joué tous les rôles, le contenant, le contenu, la cause, la conséquence, le prétexte, le justificatif, ma lettre de motivation officielle et mon échappatoire…
J’ai du mal avec la vie, Maëlle. Je ne sais pas être avec les autres, même avec mon propre fils. Je ne sais qu’additionner mes petits faits et gestes sans pouvoir leur donner du sens, sans savoir les transformer en projet de vie. Mes histoires d’amitié ne durent pas. Je ne sais pas les faire durer. Je suis quelqu’un d’haletant, Maëlle, de suffocant. C’est pareil en amour. Je n’arrive pas à trouver une respiration lente et profonde. Je suis toujours en apnée…
Depuis toi c’est différent.
Tu es une magicienne, Maëlle. Je ne sais pas quel est ton secret et ne veux pas le connaitre. Il ne me servirait à rien parce que je n’ai pas la grâce. Tout ce que tu touches, les plus petites parcelles de moments anodins se transforment en puissants intérêts. Tu es un petit soldat du rire et de la légèreté, le garde incontournable d’un parfum vitaminé secret. Partager un café devient une fête surprenante. Tu fais de l’impossible un avenir tout proche.
Et même si c’est pas vrai, même s’il est des étoiles qu’on n’atteindra jamais, tu sais, si vite et si souvent, donner du rêve à moudre et semer tout autour de toi des graines de possibles.
Avec toi, Maëlle, ma vie a trouvé une boussole. Elle me montre enfin la direction. Je sais que c’est la bonne.
Depuis notre rencontre, ma carcasse sourit. C’est nouveau.
Alors un matin comme celui-ci, quand le doute s'incruste et s'installe, mon tout petit et tout récent courage me chuchote de t'écrire et de te raconter
Maëlle, si tu savais…Maëlle, que dirais-tu de l’entendre à nouveau, un peu plus qu’effleuré ?
Fred
Photo: Eric Dijoux
… J’en reviens pas.
Depuis que Guillaume est parti, je tourne et retourne ce qu’il vient de me raconter à propos de sa mère et de la dénonciation de Malik*… et j’arrive toujours pas à y croire…J’avais tout imaginé, Charles, à cause de son obsession de la légalité et de son trouillomètre aux aguets…Jacques, que je connais pas bien et dont je me méfie un peu avec le drôle de milieu dans lequel il évolue… Nicolas, qu’avait pas l’air emballé par cette affaire…J’ai même pensé à une dispute des filles qui avait mal tourné, sur fond de vengeance…Mais là ! Pauvre gamin…Pour qu’il en soit arrivé à me raconter tout ça, c’est qu’il devait en avoir gros sur la patate…Claire…Bien sûr Guillaume parle de maladresse, d’une conversation avec la mauvaise personne…N’empêche, tout le monde savait qu’on devait tenir sa langue…Alors c’est un peu plus que ça. D’ailleurs quand j’ai évoqué la petite vengeance mesquine d’une femme délaissée, frustrée d’être reléguée au second plan quand nous mettions tous pas mal d’énergie pour résoudre le problème en douceur, Guillaume avait l’air d’accord…Il a même ajouté que c’était tout à fait digne des raisonnements compliqués de sa mère…Compliqués ! Tordus, oui ! Il a beau lui trouver toutes les bonnes raisons, dire que c’est une femme très malheureuse et dépressive, moi j’ai compris. : je retire mes billes de cette histoire….De toute façon, je commençais à me lasser de ses remarques à répétition…Je suis pas au garde à vous !...Bon d’accord, j’ai peut-être pas été très clair au départ, et venir habiter dans le même immeuble qu’elle, a pu la laisser espérer davantage…mais depuis, je faisais gaffe, je la laissais surtout pas croire que notre histoire puisse évoluer… C’est vrai que mon comportement n’a pas dû arranger son moral, mais justement, elle aurait dû piger vite et passer à autre chose…C’est pas compliqué, pourtant, je supporte pas les histoires qui prennent la tête et qui débordent sur mon quotidien, je les veux à la marge
…J’ai besoin de simplicité !
* Voir la 1ère saison de belleville-sur-cour