Chronique de Bonnie le chat: épisode 11

Publié le 10 Avril 2015

Thomas Vuille- Mr Chat

Thomas Vuille- Mr Chat

« - T'as une famille, Clyde ?...Enfin, je veux dire...Ils sont encore vivants ? T'en parles jamais...

- Oui, ma mère est toujours là, mais ses maîtres sont partis vivre en province depuis leur retraite, ce qui fait que je ne la vois plus jamais.

J'ai un frère et une sœur aussi, de la même portée, et pas mal de demis, disséminés un peu partout.

- C'est triste de ne plus pouvoir voir ses proches. Tu vois, pour ce qui me concerne, ma mère me manque...

- Pas moi

- Ah bon ? Tu n'essaierais pas de t'en convaincre, plutôt ? Moi je trouve que la famille est indispensable. C'est quand-même les soubassements de notre propre existence, non ?

..Et le grenier à blé de nos souvenirs...Et le puits de notre affection...

- Blablabla, foutaises que tout ça, un ramassis de clichés très généraux et réducteurs.

Si je prends mon cas personnel, elle ne débordait pas vraiment d'amour, la matrone .

Du genre peau de chien, malveillante et revancharde.

Elle a passé sa vie à se faire les griffes sur son entourage qu'elle épiait et jalousait.

Elle a mitonné à longueur de temps pour essayer de façonner la réalité à son regard et nous convaincre de la vérité de ses affabulations.

En prime,elle était totalement insatisfaite de son statut de mère nourricière, et bien sûr, on l'a payé.

Ça fait des fondations fissurées et des années après, encore branlantes, crois-moi.

Ma chance, tu vois, c'est qu'elle se soit éloignée. Moi, j'aurais pas pu...

- Un grand garçon décidé comme toi ?

- Ouais, mais un grand garçon qu'a usé des heures à lui tourner autour à la recherche d'une patte de velours quand elle était juste capable de me sortir les griffes.

- T'as jamais essayé de lui miauler ce que t'avais sur le cœur ?

- Mission impossible.

Elle est sourde.

Et puis, dès qu'elle se sentait en position de faiblesse, elle nous mettait sous le museau la petite dernière de la portée en prenant ses airs de grande sacrifiée. La frangine était de santé fragile, donc elle l'a gardée dans son giron bien plus longtemps que nous....Toute sa vie d'ailleurs, ou presque.

Des maîtres pas trop regardants avaient fini par l' adopter, la frangine, mais elle passait son temps à couiner après la mère et à faire bêtise sur bêtise pour se faire remarquer.

Ils ont fini par craquer et l'ont renvoyée auprès de sa génitrice.

Elles sont toujours ensemble, il paraît, et vont finir par se bouffer mutuellement.

- Et ton frère ?

- Lui, c'était différent. C'était l'aîné, le mâle de substitution tous azimuts, bien plus frère et père que fils, d'ailleurs.

Alors, il avait le statut premium, et elle le brossait régulièrement dans le bon sens, le sens du poil, quoi, et vivait dans l'attente du moindre signe du plus petit attachement.

La distribution des rôles était figée dans le marbre et malheur à celui qui n'avait pas eu la bonne carte entre les pattes à la naissance.

- Et vous n'avez jamais réussi à faire coalition, à vous tenir les coudes et à faire front ?

- Elle était très forte.

Sa conception de nos rapports et la distribution de ses attentions se résumait à une expression : « Les uns contre les autres », et je peux te promettre que c'est un poison efficace et ravageur.

Aucun de nous ne savait vraiment où se situait la vérité.

Et les sables mouvants, c'est pas terrible comme base d'appui

- T'as définitivement tiré un trait alors ?

- Je sais pas si c'est possible, mais j'ai au moins compris une chose, c'est qu'il existe des familles toxiques et qu'à un moment, c'est courage fuyons si on veut pas y laisser sa peau.

Ne pas l'avoir sous les yeux, c'est déjà y penser un peu moins et arrêter de me bouffer la rate en me demandant ce qui m'attend au prochain virage, ou de quelle taille sera le couteau qu'elle me plantera dès que j'aurai le dos tourné...

- Mon pauvre Clyde...

- Non non, je suis pas à plaindre. Au moins, moi j'ai quitté le périmètre nocif de cette foutue sirène qui t'attire au fond de ses eaux troubles. Et je me réveille chaque matin en me disant que j'ai échappé au pire.

- Tu sais Clyde, plus je discute avec toi, et plus tu me surprends...T'es un matou drôlement profond...réfléchi...presque un sage, pour tout dire, et...

- Bouge pas d'un poil ! Je viens d'apercevoir une souris rentrer dans l'appart des maîtres sur le balcon d'à côté...Celle-là, elle a signé son arrêt de mort !...A plus tard !"

Ouf ! ...Je le retrouve !...J'y pense...Si ça se trouve, il a tout pompé dans une émission télé ou bien il a juste écouté une conversation de salon...C'est ça, j'en suis sûre !

...Faut qu'il arrête de vouloir m'épater, lui !

Rédigé par belleville-sur-cour

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